Salman Rushdie n’est pas un nouvel auteur. Mais est-il un nouvel homme après l’attaque au couteau qui a failli le tuer en août 2022 ? Dans son dernier livre intitulé Le couteau, il fait le récit de sa formidable reconstruction, et confirme son choix pour l’écriture. Magistral.
Le sous-titre du nouveau livre de Salman Rushdie est aussi explicite que glaçant : Réflexions suite à une tentative d’assassinat. Et c’est bien de cela qu’il est question. Une tentative d’assassinat qui était sur le point d’atteindre son but, le 12 août 2022, alors que l’auteur s’apprêtait à intervenir lors d’une rencontre sur… la sécurité des écrivains, dans un amphithéâtre américain.
Bien loin des merveilleux contes ensorcelants qu’il nous a donnés à lire, où le fantastique nous aide à mieux comprendre l’existant, Le couteau est un récit ancré dans le réel. Cherchant à comprendre le déroulement des faits, alors que les risques liés à la fatwa prononcée à son encontre plusieurs dizaines d’années auparavant semblaient réduits, l’auteur des Versets sataniques se remémore les circonstances de son invitation à cette rencontre du mois d’août 2022, son hésitation à y participer après un cauchemar où il était agressé…
Énergie vitaleL’attaque elle-même est minutieusement décrite, de son point de vue, celui de victime qui, sans perdre totalement conscience, ne perçoit pas l’ensemble de la scène, mais la vit dans toute son horreur et se pense en train de mourir. "Comme le lecteur attentif l’aura deviné, j’ai survécu", observe avec malice Salman Rushdie.
La qualité de mes problèmes s’améliorait.
Les étapes de cette guérison, qu’elles soient cruciales ou moins importantes sur le plan médical, sont relatées avec précision. Malgré la célébrité du patient et le caractère exceptionnel des blessures, des épisodes rappelleront des expériences vécues ailleurs, autrement, par d’autres : un corps médical dont le tact n’est pas toujours la qualité première, des spécialistes qui ne voient pas une personne, mais seulement la partie du corps dont ils sont spécialistes. Et aussi des médecins et membres du personnel hospitalier exceptionnels, à la compétence irréprochable et capables d’insuffler un formidable élan vital…
L'humour contre l'abattementSi le sentiment d’abattement affleure parfois, le sens de l’humour aide à le combattre. Un moral avec des hauts et des bas, mais qui, comme le corps, tend à s’améliorer au fil des mois. Surtout lorsque réapparaît l’envie d’écrire. Quand il s’estime tiré d’affaire, observant que la vie lui offre une "seconde chance", Salman Rushdie s’interroge sur ce qu’il doit en faire. La double réponse, celle de l’amour et de l’écriture, lui apparaît rapidement. S’y ajoute un combat. Celui contre les "récits mensongers" qui empoisonnent le monde, de New Delhi à la Floride, en passant par la Grande-Bretagne et un peu partout. Pour sa deuxième chance, l’écrivain entend "prendre le contre-pied des mensonges des oppresseurs, des populistes et des imbéciles en racontant de meilleures histoires, des histoires dans lesquelles les gens ont envie de vivre". On a hâte de les lire.
Le couteau. De Salman Rushdie, traduit de l’anglais par Gérard Meudal, 272 pages, 23 €.
Pascale Fauriauxpascale.fauriaux@centrefrance.com