«L’orgue avait besoin d’un entretien de fond. C’est un instrument classique français exceptionnel par ses qualités intrinsèques et pour ce qu’il représente dans l’histoire de La Chaise-Dieu. Il y a aussi la décoration qui est magnifique ». Olivier Marion ne tarit pas d’éloges sur cette pièce monumentale qui fait battre le cœur de l’abbaye casadéenne.
2.500 tuyaux sont à nettoyerIl en joue régulièrement, partageant ce privilège avec son collègue organiste, Christophe de la Tullaye. Tous deux vont devoir se passer durant quelques mois de leur protégé. L’orgue de l’abbatiale a commencé ces derniers jours à être démonté pour être entièrement restauré. Les représentants du Syndicat mixte du projet Chaise-Dieu, dont sa présidente Marie-Agnès Petit, ont assisté mercredi au début du chantier qui va se poursuivre jusqu’en juin 2025 et le début de la prochaine saison touristique. Les travaux de relevage vont représenter un coût de près de 100.000 euros. Ils sont soutenus par l’État (Direction régionale des affaires culturelles) à hauteur de 50 % et par les collectivités locales composant le Syndicat (Département de la Haute-Loire, communauté d’agglomération et commune de La Chaise-Dieu). Une recherche de mécénat est en cours, notamment par le biais de la Fondation du patrimoine. Les travaux ont été préconisés en 2022 au regard de la dégradation avancée des peaux de la soufflerie.
« Concrètement, il y avait des trous. Si l’on ne faisait rien, l’orgue redeviendrait muet ».
Le chantier va comprendre une intervention au niveau de la tuyauterie - 2.500 tuyaux - qui sera nettoyée et accordée. Les installations électriques feront l’objet d’une mise aux normes. Les derniers travaux de l’espace abbatial concernaient déjà l’électricité.L’orgue est un instrument à vent. Si aujourd’hui, l’air provient d’une soufflerie électrique, les anciens soufflets servent de réservoir à vent indispensable. Les quatre soufflets cunéiformes pèsent la bagatelle de 220 voire 240 kg l’un. « Ils étaient tellement lourds qu’on a décidé de les couper en deux, de séparer les peaux », précise le facteur d’orgue corrézien Olivier Chevron dont le projet a été retenu. Mais ce dernier se veut rassurant : le bois n’a pas été coupé !La restauration doit se faire en partie en atelier, en Corrèze. Le facteur d’orgue travaille dans les règles de l’art au moyen de colles anciennes. « Il faut le faire à chaud, or l’abbaye ne nous offre pas les conditions requises », détaille Olivier Chevron qui a noté « une construction particulière, assez mal faite au niveau des soufflets » selon lui.La dernière restauration de l’orgue de l’abbatiale remontait à 1995. La première à 1975.Avec Thomas Monnet, technicien conseil agréé au titre des Monuments historiques du ministère de la Culture, un échange doit avoir lieu pour savoir s’il convient de respecter le caractère originel au risque de devoir à nouveau intervenir d’ici quatre décennies ou si le facteur d’orgue peut se permettre d’apporter une amélioration. Le dilemme est posé. Rien que dépoussiérer l’instrument réclamera facilement un mois de travail ! Le facteur d’orgue va s’employer aussi à traiter les vers à bois. La mécanique (transmission entre les claviers et les tuyaux) est très ancienne. Certaines pièces sont par conséquent usées, ont besoin d’être réparées ou réglées. C’est à un véritable travail d’orfèvre que va se livrer l’artisan, sur place et chez lui en Corrèze. Ils ne seraient plus qu’une soixantaine en France à pratiquer encore le métier.
Philippe Suc
L’orgue lié à l’histoire du festival
Les origines de l’orgue de La Chaise-Dieu demeurent incertaines. Il aurait été construit en deux campagnes.La première en 1683 avec l’édification par Jean-Pierre Cox, menuisier et sculpteur flamand, de la tribune et de son « petit » buffet contenant un orgue de 13 jeux. La seconde vers 1726 a vu l’installation du grand buffet et de la partie instrumentale par Marin Carouge (1667-1735).Probablement pillé à la Révolution, l’orgue resta muet jusqu’à sa reconstruction en 1975 par les établissements Dunand. L’histoire de ce « grand orgue » rejoint celle de Georges Cziffra (1921-1994) qui est à l’initiative du festival de La Chaise-Dieu. À gauche, Le facteur d’orgue, Olivier Chevron.Le célèbre pianiste hongrois, après avoir découvert l’abbatiale et son instrument, alors en ruine, lors d’un séjour privé chez le docteur Georges Mazoyer et son épouse Suzanne, avait accepté de donner quelques concerts dans la cité casadéenne et de reverser les cachets perçus à la reconstruction de l’orgue. Ce dernier a fait l’objet d’une restauration en profondeur par Michel Garnier entre 1990 et 1995. L’orgue bénéficie de protection au titre des monuments historiques. Son buffet a été classé par arrêté du 4 juillet 1903 et sa partie instrumentale le 23 octobre 1970.