Un mort, vingt blessés en soins intensifs, le vol Londres Singapour a tourné au cauchemar pour les 221 passagers. Les fortes turbulences, à l’origine de cet incident très rare, sont peut-être la conséquence du changement climatique. Mais les constructeurs travaillent sur des avions sans aucune turbulence.
La mésaventure vécue par les 221 passagers du vol SQ321 de Singapore Airlines, qui reliait lundi Londres à Singapour, ne va pas aider ceux qui ont déjà une peur bleue de prendre l’avion.Les fortes turbulences traversées par le Boeing 777 ont causé la mort d’un citoyen britannique de 73 ans qui a succombé à une crise cardiaque. 104 passagers ont été blessés, dont vingt placés en soins intensifs après un atterrissage d’urgence à Bangkok.
"L’équivalent d’une vague scélérate"Aussi effrayant que peut apparaître le bilan de cet incident, les spécialistes de l’aviation se veulent rassurants, soulignant son « caractère exceptionnel ».« Ce qui s’est passé sur ce vol est rarissime, abonde Thierry Oriol, membre du bureau exécutif du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Si l’on veut faire un parallèle avec la mer, c’est l’équivalent d’une vague scélérate absolument imprévisible. La météo, ce n’est jamais que des modèles mathématiques et ce type de turbulences ne se produit presque jamais. Avec un bémol, le changement climatique fait que cela arrive désormais plus souvent. Plus les variations de température et d’humidité sont fortes et plus ce genre de phénomène est violent. »
"Les pilotes n'y peuvent rien"Le commandant de bord sur Boeing 777 chez Air France ne minimise d’ailleurs pas l’ampleur de l’incident de lundi, tout en dédouanant ses confrères de Singapore Airlines. « Il était impossible d’anticiper. Les avions qui sont passés après ont probablement été prévenus grâce au “turbulence report”. Ils ont donc peut-être dévié leur route ou réduit leur vitesse. Ce type de turbulences est invisible. Vous avez un grand ciel bleu devant vous et soudainement l’atmosphère s’effondre. L’avion, qui mesure 70 mètres de long et de large, a plongé de 1.800 mètres. Le flux d’air horizontal devient vertical et vous êtes entraîné par un courant descendant. Les pilotes n’y peuvent rien. Face à cela, il n’y a qu’une chose à faire : accompagner le truc. Ce qu’ils ont parfaitement fait. L’avion est intact et en parfait état de marche, ce qui démontre aussi sa solidité », ajoute-t-il.
"Aucune parade"Reste qu’à l’échelle du trafic aérien mondial, il y a autant de chances de connaître pareille mésaventure que de gagner au loto.« Sur 30 millions de vols par an, il doit y avoir quatre ou cinq incidents avec blessés, systématiquement parce que les passagers n’étaient pas attachés ou qu’un bagage leur est tombé dessus. Là, une crise cardiaque est survenue mais c’est quelque chose qui n’arrive pour ainsi dire jamais », avance Xavier Tytelman, ex-avionneur militaire et rédacteur en chef digital du magazine Air et Cosmos.Les progrès réalisés dans la conception des avions permettent déjà de limiter le nombre d’incidents. Voire espérer, demain, les faire disparaître totalement ? « Le changement climatique multiplie certainement les phénomènes extrêmes, mais les turbulences sont moins ressenties par les passagers parce que les avions ont évolué, appuie Xavier Tytelman. Il y a trente ans, c’est le pilote qui compensait les turbulences à la main en quelques secondes. Aujourd’hui, grâce aux centrales à inertie, l’appareil est capable de les compenser presque instantanément. Vous avez de plus les fibres de carbone des ailes qui servent d’amortisseurs. On travaille également sur des avions sans aucune turbulence. Airbus teste actuellement sur un A 340 un système qui s’appelle “le lidar” et compense les turbulences avant même qu’elles n’arrivent. »
Un optimisme que tempère Thierry Oriol. « Amortir les petites turbulences, c’est possible. Dans le cas d’une masse d’air qui s’effondre comme lundi, il n’existe aucune parade », conclut-il.
Dominique Diogon
