Arrivé en 2008 de Nouméa pour rejoindre le centre de formation du Stade, Latuka Maituku a décidé de raccrocher après quinze saisons et 287 matches en Pro D2. Une longévité et une fidélité devenues rares.
Janvier 2010, Aurillac se déplace à Oyonnax. Sur la pelouse, un Nouméen arrivé un an auparavant au centre de formation dispute le premier de ses 287 matches avec le Stade Aurillacois. « Il tombait des flocons gros comme ça, se rappelle Latuka Maituku. Déjà à l’entraînement quand il y avait de la neige, je demandais si on allait jouer… »
Le Stade Aurillacois a officialisé la liste des joueurs qui quittent le club cet été
Quinze saisons se sont écoulées depuis et Latuka Maituku est resté, malgré les propositions, fidèle à son club. « J’avais déjà fait 28 heures de vol pour venir ici, je n’allais pas repartir, assure-t-il. Je suis devenu Cantalou. » Pourtant, à son arrivée, il ne connaît pas Aurillac. « On m’a parlé de la météo, se souvient-il. J’ai découvert pour la première fois la neige. J’étais tout le temps en short et en tong. »
Cette année-là, ils sont trois Nouméens à débarquer au centre de formation et à rejoindre Tokotu’u et Valentin, arrivés de Nouvelle-Calédonie un an avant. « Ils nous ont aidés », témoigne Maituku. Une période au centre de formation qu’il cite parmi ses meilleurs souvenirs à Aurillac.
Très rarement blesséMais, après avoir goûté à la Pro D2 dans l’hiver oyonnaxien, il en veut plus : « Jouer devant autant de personnes, c’était fou. Je me suis dit qu’il fallait s’accrocher. » Il devra attendre la saison suivante pour rejouer. Un seul match, encore une fois. Puis huit celle d’après. Sa carrière était lancée. Depuis, entre 2012-2013 et 2023-2024, il a disputé plus de vingt matches au cours de onze saisons.
En plus d’être fidèle, Latuka Maituku est incassable. Jamais blessé, ou presque. « Ma plus longue blessure, ça devait être trois semaines. » Maxime Petitjean, coéquipier de Maituku pendant de longues années, ajoute tout de même : « Il a joué plusieurs matches blessés, sans rien dire à personne, ça montre son caractère. C’est quelqu’un qui aime le travail de l’ombre. Il est très discret, il n’aime pas être dans la lumière, mais par les actes, il est suivi par tout le monde. »
Derbys, épopées, dernier match...En quinze saisons, il a vu le rugby changer, devenir plus rapide. « J’ai dû perdre du poids pour suivre », confie-t-il. Et, de sa troisième ligne, il a vécu quelques épopées aurillacoises. Comme la saison à trois derbys avec la défaite en demi-finale contre Brive (14-30, le 12 mai 2013). Celle qui s’est poursuivie jusqu’en finale et cette défaite face à Bayonne dans un match qui aurait pu permettre aux Stadistes d’accéder au Top 14 (16-21, le 4 juin 2016). « Déjà la demi-finale à Jean-Alric, à guichets fermés, ensuite la finale… C’est inoubliable, confie-t-il. Il y a toujours un petit regret, mais avec des si… » Il ne veut retenir que le positif de ses années au Stade jusqu’au dernier match face à Montauban, vendredi 17 mai.
La décision d’arrêter était prise, réfléchie en famille, mais il a attendu le dernier moment pour le dire aux joueurs : « Je l’ai annoncé jeudi. Je voulais leur dire vendredi, mais Roméo (Gontinéac) m’a dit que je ne pouvais pas faire ça, que je ne pouvais pas partir sans rien dire, sans avoir une sortie. Je n’aime pas les trucs comme ça. »
Pourtant, ce combattant de l’ombre reconnaît avoir été ému. Du discours dans le vestiaire jusqu’à la cérémonie d’après-match en passant par son entrée avant les joueurs sur la pelouse. « Quand Didier et Luka m’ont porté, j’ai réalisé que c’était fini. »
De la victoire contre Rouen à celle face à Montauban, Aurillac a alterné le bon et le moins bon cette année
Une dernière victoire pour « laisser le club là où je l’ai trouvé », en le marquant d’une empreinte indélébile.
Il fait partie des légendes du club, assure Mathieu Lescure, entraîneur des avants et ancien coéquipier de Maituku. Chapeau à lui. Un gamin qui venait de sa petite île à l’autre bout de la planète et qui a réussi à se faire sa place par ses qualités de rugbyman et aussi, et surtout, par ses qualités d’homme, son extrême gentillesse et sa générosité.
Une légende, devenue cantalienne avec les années, et qui va rester dans le Cantal. « Je retournerai voir des matches quand j’en aurai l’occasion, mais pas tous les week-ends », sourit-il.
Mathieu Brosseau