Annoncée fin 2023 et appliquée à partir de septembre 2024 dans les collèges, la réforme dite du " choc des savoirs" secoue en profondeur le monde de l’éducation.
" C’est la fin de l’école émancipatrice", prédit Benoît Ladhari, responsable corrézien de Force ouvrière éducation. "Le tri des élèves se fera dès la 6?", assure son collègue de la CGT, Quentin Sedes.
Tous les deux ont animé une réunion d’information, mercredi 22 mai 2024, à Brive. Principal syndicat enseignant, la FSU fera de même, fin mai et début juin, à Malemort et Tulle, estimant que "les élèves en difficulté ne bénéficieront plus du même enseignement que ceux qui réussissent le mieux". Des distributions de tracts sont prévues sur les marchés.
Une réforme pour tenter de remonter le niveau des élèves"Les parents ne savent pas ce qui les attend", se désole une militante FO. À la prochaine rentrée, la réforme prévoit la mise en place de groupes de niveau, sur les heures de français et de maths, d’abord en 6? et 5?, puis, à partir de 2025, en 4? et 3?.
C’est la réponse gouvernementale pour tenter d’élever le niveau des élèves, La France étant à la peine selon le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa).
Ce n’est pas juste de la com, prévient Benoît Ladhari. On abandonne la notion de classe. Les objectifs de progression seront les mêmes pour tous les groupes, c’est donc un nivellement par le bas. Chaque établissement va faire sa petite sauce, sans moyens supplémentaires.
Avec cette réforme, l’école primaire est appelée à faire le tri des élèves, répète Quentin Sedes : " En CM2, des évaluations standardisés sont imposées. En fonction de leurs résultats, les élèves seront déjà orientés. Il ne faut pas rêver. Il n’y aura aucune plus-value dans les groupes de niveau en collège. Beaucoup d’élèves iront en apprentissage".
Des enseignants craignent même un effet négatif : " Les gamins seront stigmatisés, les faibles avec les faibles ! Plutôt que de faire de la remédiation ou de diminuer le nombre d’élèves par classe, on donne l’illusion de faire quelque chose, tout en cherchant à faire des économies".
Comble du comble aux yeux des syndicats : les établissements privés sous contrat ne sont pas obligés d’appliquer la réforme.
Une classe préparatoire à la classe de seconde expérimentée au lycée CabanisUn autre élément inquiète : les classes dites "préparatoires à la classe de seconde" pour les élèves qui ont échoué au brevet (sans lui, plus d’accès au lycée).
Le lycée Cabanis de Brive va expérimenter le dispositif (20 élèves), pour la Corrèze, à la rentrée 2024. "Il y a déjà une demande institutionnelle pour désigner les élèves qui iront dans cette classe", témoigne un enseignant briviste.
Si des manifestations contre cette réforme sont prévues, samedi 25 mai 2024, à Limoges et Guéret, la Corrèze semble suivre de loin. Dans d’autres départements, des opérations collèges morts sont organisées.
" C’est difficile de mobiliser ", convient Benoît Ladhari, alors qu’une intersyndicale nationale est sur pied (FSU, Unsa, FO, CGT, CFDT, Sud), appuyée par une organisation lycéenne (USL) et les parents d’élèves FCPE.
Eric Porte
(*) La FSU organise une réunion publique à Malemort mercredi 29 mai 2024, à 18 h 30, salle du dojo ; à Tulle, jeudi 6 juin 2024, à 19 heures, au centre culturel.
"Inquiétude plutôt qu’opposition". Directeur académique de la Corrèze, Franck Curtillas estime que sur le terrain, la mise en place des groupes de niveau est bien engagée. " J’entends les inquiétudes, mais je constate sur le terrain qu’enseignants et inspecteurs sont mobilisés pour la réussite de la rentrée 2024", commente le Dasen de la Corrèze. "Grâce aux évaluations menées depuis 2017, on sait que le niveau monte en primaire, mais pas au collège. Il faut y remédier". Franck Curtillas assure que le travail préparatoire à la réforme est en cours, "à travers les conseils école-collège et des fiches qui permettent aux enseignants de positionner un élève au groupe qui lui convient le mieux. En octobre 2024, au collège, une autre évaluation permettra d’affiner les groupes. Notre objectif, c’est d’accompagner l’élève au plus près de son projet.
