"N’importe quelle célébrité peut gravir l’Everest si elle y met les moyens" : l'ascension d'Inoxtag fait polémique

Alors que l'ascension du plus haut sommet du monde suscite toujours davantage de fantasmes, l'ascension d'Inès Benazzouz, alias Inoxtag, totalement amateur il y a encore un an, alimente les critiques. Le jeune vidéaste serait en train d'atteindre le toit du monde ce mardi 21 mai.

"J’espère que la prochaine photo que je partagerai sera celle de moi au sommet du monde" : le 10 avril dernier, le youtubeur Inès Benazzouz, plus connu sous le pseudonyme d’Inoxtag, s'est envolé pour le Népal pour une expédition de près de deux mois. L'objectif : gravir l'Everest, qui culmine à 8 849 mètres d'altitude. 

Le 24 février 2023, le jeune homme aux 7,6 millions d'abonnés sur YouTube avait annoncé sa volonté de grimper en haut du légendaire sommet himalayen. Un véritable défi pour lequel il s'est préparé pendant un an, avec l'aide du photographe et guide de haute montagne Mathis Dumas. "Sur 365 jours, j’ai dû faire 300 jours de sport", a déclaré Inoxtag juste avant son départ. 

Cardio, randonnées, escalade, musculation : l'entraînement a été d'autant plus intensif qu'il partait de zéro en matière d'alpinisme. La star de 22 ans et son guide ont gravi le Mont-Blanc et deux sommets de l’Himalaya, en plus d'une quinzaine d'autres. L'idée était de "savoir si son corps était capable de supporter l’altitude", a expliqué Mathis Dumas au Parisien, mais surtout de pouvoir obtenir le permis pour l'Everest, qui n'est délivré qu’à condition d’avoir fait un sommet de plus de 7.000 m d’altitude. "J’ai conscience que j’ai sa vie entre mes mains", avait assuré le montagnard. 

Le projet fou du youtubeur n'est pas sans susciter les critiques. Écologie, sécurité, égo, course au buzz et au "toujours plus" : les raisons de polémiquer ne manquent pas pour les internautes comme pour les professionnels de la montagne. 

C'est "l’illustration de la marchandisation de l’Everest", a fustigé l'alpiniste Marc Batard sur BFMTV. Le plus haut sommet du monde souffre en effet de l'augmentation du nombre d’ascensions. Cette année, le Népal a délivré 414 permis pour l'Everest pour la saison de grimpe, qui s'étend d'avril à début juin. Or, la plupart des alpinistes s'élancent avec au moins un guide népalais. Ce sont donc bien plus de 800 personnes qui devraient chercher à atteindre le sommet dans les prochaines semaines. Les conséquences de cette surpopulation en altitude sont nombreuses. Outre l'accumulation de déchets et la pollution des massifs, cela augmente le risque d'accidents, par exemple en cas d'embouteillages potentiellement mortels. 

Par ailleurs, si Inoxtag véhicule une image positive de la montagne saluée par Marc Batard, l'alpiniste craint qu’une telle médiatisation ne pousse d’autres amateurs à tenter leur chance. "C’est du grand n’importe quoi", s'est indigné Pascal Tournaire, photographe de montagne. Il dénonce lui aussi une exploitation commerciale du toit du monde, estimant que certaines personnalités trop médiatiques le font "pour l'ego" et non pour l'amour de la montagne. L'enjeu est élevé : les grimpeurs expérimentés ou non, risquent leur vie. En moyenne, chaque année, cinq alpinistes meurent sur les flancs enneigés et glacés de l'Everest. L'amateurisme de certains et la hausse des permis délivrés ne sont pas sans liens avec le triste record de 18 morts en 2023.

"N’importe quelle célébrité peut gravir l’Everest si elle y met les moyens", a expliqué Pascal Tournaire à BFMTV. Gravir l'Everest a en effet un coût élevé : le permis à lui seul coutant 15.000 dollars, il faut compter entre 41 000 et 128 000 euros rien que pour l’ascension. Beaucoup d’alpinistes professionnels doivent renoncer à tenter l'ascension, faute de sponsors. Le défi d'Inoxtag lui aura ainsi couté entre 600.000 et 1,2 million d’euros, selon ses dires. 

"Ce n’est pas l’ascension la plus éthique", avait admis Mathis Dumas, le guide d'Inoxtag, lui-même. "La première fois qu'on m'a dit les mots Everest et youtubeur, je me suis dit : ça sent le bourbier", avait-il avoué au Dauphiné Libéré.

"En apprenant à le connaître, je me suis rendu compte qu’il avait une vraie démarche réfléchie derrière."

Finalement, après avoir réalisé de nombreuses ascensions avec la star de 22 ans, le guide originaire de Chamonix s’est dit surpris par les progrès du jeune homme, qu’il jugeait prêt pour l’ascension. Ils sont partis réaliser ce "projet d'une vie".

Marie-Ange Costantini