Selon un sondage de l’Ifop, la calvitie toucherait environ 13 % des Français, soit près de 8,5 millions de personnes. Certains acceptent leur sort, d’autres cherchent des solutions alternatives. Dans l'Allier, de multiples solutions existent.
"Y’a pas assez de mousse !" "Bah, y’a pas assez de cheveux non plus !" Cet échange truculent entre Louis de Funes et Yves Montand, extrait de La folie des grandeurs, est à se tordre de rire. Sauf peut-être pour les individus dégarnis comme l’était, très jeune, le plus célèbre des comiques français.
Perdre ses cheveux est parfois vécu comme un drame personnel. Encore davantage quand la chute intervient entre 20 et 30 ans, si l’on est une femme ou si le phénomène intervient après un traitement chimiothérapique. Un évènement familial douloureux peut également entraîner une calvitie. C’est ce qui est arrivé à Jean-Pierre, un Moulinois, qui est "soigné" depuis une vingtaine d’années dans le salon de coiffure de Sylvie Strosio à Montluçon.
"Centre du cheveu"Au rez-de-chaussée, c’est l’espace classique consacré à la coupe et au brushing. Au sous-sol, c’est le "centre du cheveu" où la gérante peut proposer différentes solutions au client. "Jipé", c’est comme ça qu’elle l’appelle, a fait le choix de la prothèse capillaire. Le principe est assez simple.
La prothèse est fixée à même le cuir chevelu à l’aide d’une "colle dermique". Le travail dure à peu près une heure. "On propose une quarantaine de modèles", explique Sylvie Strosio. "Il y a différentes tailles, différentes teintes. Le but, c’est d’avoir une prothèse qui convient à chaque personne."
Jean-Pierre, lui, a opté pour le gris-blanc. Normal, il a 73 ans. Originaire de Montluçon, ce fonctionnaire à la retraite a connu ses premiers problèmes capillaires vers l’âge de 30 ans. "La vie de famille était très compliquée", dit-il.
Ma femme est partie en laissant les enfants à la maison. Très vite, mes cheveux ont commencé à tomber. On est cinq enfants et je suis le seul à être confronté à ça.
Jean-Pierre en parle avec son docteur qui lui laisse peu d’espoir. Comme beaucoup d’autres, il applique plusieurs produits sur son cuir chevelu avec une efficacité contestable. Alors, que faire ? "J’avais un collègue de boulot qui avait une très belle chevelure. Il m’a dit qu’il allait au Diénat (un quartier de Montluçon, NDLR). Sur place, je vois le coiffeur qui me dit qu’il a de faux cheveux."
La perruque présente plutôt bien. Comme le collage n’existe pas encore, il la fait tenir avec une tresse qui passe autour du cuir chevelu. Noyé dans "les problèmes financiers et familiaux", "Jipé" se "voit mal arriver sans cheveux à la quarantaine". Alors, il décide lui aussi de porter une perruque. "Pour me sentir mieux dans ma peau."
Se sentir bien dans sa peauAu travail, Jean-Pierre fait sensation. "Toutes les femmes voulaient voir ma nouvelle tête", rigole-t-il. Encore plus drôle, son patron, qui est chauve, se laisse également tenter par la perruque. "Deux semaines plus tard, je l’ai revu avec des cheveux." Dans les années 80, la pratique des implants reste encore marginale avec des résultats pas forcément à la hauteur des espérances.
"Je suis quand même monté à Paris pour voir, mais les prix étaient dissuasifs. À l’époque, la Turquie (où des professionnels se spécialisent dans les implants, NDLR.) n’existait pas. Il y a quinze ans, j’y serais sans doute allé. Maintenant, à mon âge, c’est trop tard." Dans les années 90, Jean-Pierre se pose une autre question. "Et si je rasais tout ?" Comme le footballeur Fabien Barthez dont la boule à zéro semble faire un certain effet auprès du public. Il ne franchira pas le pas mais ça s’est joué à un cheveu.
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À la fin des années 90, au départ en retraite du coiffeur du Diénat, Jean-Pierre trouve refuge chez Sylvie Strosio, dans le quartier de la Ville-Gozet. Le premier contact est positif. "Je ne me voyais pas faire de la coiffure toute ma vie", explique la gérante. "Alors, je me suis lancée dans cette aventure. C’était d’autant plus intéressant qu’il y avait de nouvelles technologies beaucoup plus pointues."
"Renouvellement perpétuel"Cela fait bien quarante ans que Sophie est "dans le complément capillaire". "C’est une dame de Marmande dont le mari était gendarme qui m’a lancé sur cette piste. Je suis allée à Toulouse pour me former pendant plusieurs mois. C’était un couple qui tenait un institut. J’ai vu aussi “Cambé” (Didier Cambéraro, le demi-d’ouverture du XV de France de rugby qui, pendant des années, a fait de la publicité pour des compléments capillaires, NDLR)."
Au fil des années, la coiffeuse montluçonnaise a vu les techniques et les produits évoluer. "On est dans le renouvellement perpétuel, c’est très intéressant." Aujourd’hui, elle s’occupe d’une soixante de clients qui viennent de Moulins, Bourges, Clermont-Ferrand, Saint-Amand-Montrond. "J’en ai même un de Nice."
Sa prothèse capillaire lui coûte en moyenne 2.000 € par anChaque cas est différent. Jean-Pierre vient à Montlucon tous les un mois et demi à deux mois pour faire "recoller" ses cheveux. Cela lui coûte 90 €. La prothèse, elle, est changée tous les six mois. Cela représente un investissement de 650 €. Le sexagénaire a fait ses calculs. Sa prothèse capillaire lui coûte en moyenne 2.000 € par an. "Un luxe", reconnaît-il. "Mais je peux me le permettre."
Disons-le clairement, "Jipé" n’est pas le même avec ou sans cheveux. Avoir une belle tignasse le rend tout simplement heureux. "Dans mon entourage, tout le monde sait que j’ai des faux cheveux et ça ne me dérange pas du tout. Si j’enlevais mes cheveux et mes lunettes en ville, je suis sûr que personne ne me reconnaîtrait."
Tout le monde n’assume pas forcément de perdre ses cheveux. Jean-Pierre le constate parfois quand il vient à Montluçon. "Certains rentrent par la grande porte et sortent par la petite. Ils ont peur qu’on les voit comme si c’était une tare. Il y a bien des femmes qui ont des faux seins, pourquoi nous les hommes on n’aurait pas des faux cheveux ?"
Fabrice Redon