Jean-Claude Desaga, un résident de Ceyssac aux mille et une vies, vogue désormais depuis chez lui au gré de sa nouvelle passion pour les maquettes de bateaux. Mais pas question de prendre des modèles tout fait, Jean-Claude Desaga fait tout lui-même. Rencontre.
Plusieurs chats se prélassent sur la terrasse ensoleillée de la haute demeure de Jean-Claude Desaga et sa femme, Monique. En contrebas, le bruit de l’eau se fait entendre. Difficile pour l’homme à la casquette de la marine marchande de se passer longtemps de ce doux son.
L’univers de la mer a en effet rapidement bercé ce Stéphanois d’origine. « Je me suis engagé à 18 ans dans la marine nationale », lance fièrement celui qui en a aujourd’hui 76 au compteur. Avec la Royale, Jean-Claude l’électromécanicien a vogué à travers les océans sur le porte-avions Foch. Il a participé à la première campagne nucléaire française du Pacifique. Il y a découvert tout ou presque : les îles Marquises, le cap Horn mais aussi l’amour. « J’ai eu une première femme avec laquelle j’ai eu trois enfants : Isabelle, Thierry et Cédric ». Malheureusement cette dernière meurt précocement. Jean-Claude Desaga est revenu sur la terre ferme pour être instructeur en caserne à Saint-Étienne durant deux ans. Mais « ce n’était pas pour moi », glisse l’homme au bouc.De ses années dans la marine, il ne lui reste que peu d’objets. « J’ai tout brûlé à la perte de ma première femme », souffle Jean-Claude Desaga. « J’ai encore ma quille militaire », lance-t-il en cherchant dans un tiroir de sa salle à manger. En revanche, les souvenirs, eux, sont intacts.
Après 5 années de bons et loyaux services, il a donc quitté l’armée. Et encore une fois, son histoire personnelle va rencontrer la grande. En pleine évolution industrielle, il a mis à profit ses compétences dans de multiples entreprises ligériennes comme La Boule o’but ou encore Mavilor, près de Saint-Chamond.
Un souci de santé et une nouvelle passionL’homme à tout faire a vu changer vite, trop vite, son monde qui est passé de l’électromécanique par contacteur à l’électropneumatique, puis désormais à l’électronique numérique. « J’ai horreur du téléphone et de l’ordinateur », tonne Jean-Claude Desaga.Jean-Claude Desaga apporte un soin particulier à chaque détail, du socle de ses maquettes au système électrique qu’il ne pouvait pas oublier, lui, l’ancien électromécanicien de profession.
Après une vie professionnelle bien active, et alors qu’il s’est installé dans une petite maison de la vallée de l’Allier, toujours au bord de l’eau à Pont Gibert, il est rattrapé par des soucis de santé et doit se ménager. C’est lors de sa convalescence que sa fille lui a acheté une première maquette de bateau : celle du Forban. Elle l’a occupé pendant 3 mois.
Les doigts de fée et le caractère méticuleux de Jean-Claude Desaga ont pu s’exprimer plein pot. Mais « la tête de lard », comme il se décrit lui-même, s’est demandé : « Pourquoi en acheter une toute faite ? » Il a alors décidé de récupérer du bois brut afin de confectionner de A à Z ses prochaines maquettes. Quatre ans ont passé, Jean-Claude Desaga est désormais installé dans son atelier à l’étage de sa maison.Quand, le 3 février 2023, le porte-avions Foch était sabordé au large du Brésil, le septuagénaire s’est exclamé : « Les fumiers, ils ont coulé mon bateau ! » Ni une ni deux, l’ancien marin a décidé de le reproduire en maquette. En grande partie de mémoire.
Après l’Hermione de Lafayette, son Foch ou encore le Nefertiti, une création aux inspirations égyptiennes, le septuagénaire a réalisé le HMS Victory à partir d’un puzzle. « Il m’a pris 1.500 heures de travail… Et 100 mètres de fil électriques ». Pour lui, il était impossible de ne pas mettre un peu de lumière dans tout cela. Entre les outils adaptés par ses soins, les morceaux de hêtre blanc et les magazines de maquette, une reproduction de l’Amerigo Vespucci trône actuellement.
C’est la dernière œuvre de Jean-Claude Desaga ; elle représente plus de 1.200 heures. « Il m’en reste bien 500 », estime le septuagénaire. La différence avec l’original ? « Il y a quatre mâts au lieu de trois ». Plus le défi technique est grand, plus cela l’intéresse. Ainsi dans le viseur de l’habitant de Ceyssac se dresse désormais Le Soleil royal de Louis XIV - et pourquoi pas à l’avenir transmettre son savoir. « Vous ne connaissez pas un club de maquettiste au Puy ? »
Julien Vaurillon