La coutellerie thiernoise fait parler d’elle dans tout l’Hexagone, et même au-delà. Depuis vingt ans, une étroite collaboration est née entre des couteliers du bassin et de grands noms de la gastronomie française.
Samedi 18 et dimanche 19 mai, lors de la 33e édition de Coutellia, le Festival international du couteau d’art et de tradition à Thiers, tout le gratin des belles lames sera présent. Parmi eux, des artisans thiernois bien sûr, qui collaborent depuis vingt ans avec des chefs étoilés par-delà le monde. Une formidable vitrine pour eux.
"Notre première collaboration remonte à il y a vingt ans, se souvient Philippe Chambriard, artisan de la coutellerie éponyme. Nous avons lancé notre Thiers de table, et avons été contactés par Thierry Marx pour son restaurant deux étoiles à Pauillac (33), il n’était pas encore à Paris." Une première collaboration qui en appellera beaucoup d’autres.
Les grands chefs ont l’habitude de manger les uns chez les autres. Et de fil en aiguille, ils ont eu envie d’avoir des Thiers sur leurs tables aussi.
Après Thierry Marx, il y a eu Régis Marcon, et puis la Maison Lameloise à Chagny et ses trois étoiles. Pour ne citer qu’eux…Philippe et Dominique Chambriard avec le chef Alain Ducasse.
40 restaurants étoilés pour ChambriardVingt ans plus tard, la coutellerie Chambriard collabore avec pas moins de 40 restaurants étoilés, en France et à l’étranger. Mais l’emblématique maison thiernoise n’est pas la seule à travailler pour les chefs étoilés. À deux pas de la boutique qui ne désemplit pas, la coutellerie Ponson peut aussi se targuer de beaux partenariats. Dont celui avec Serge Vieira, qui, en découvrant les lames du chef Marcon, a frappé à la porte des Chambriard avec une volonté : ne pas avoir les mêmes couteaux que son voisin altiligérien. "Nous l’avons envoyé chez David Ponson", partage Philippe Chambriard.
"Depuis, nous avons travaillé avec beaucoup d’autres chefs", assure l’intéressé. David Ponson a d’ailleurs lancé une nouvelle création l’année dernière, le 1847, en référence à la première génération des Ponson. "C’est un modèle aux formes assez anciennes, assez droites, avec un bec de corbin", décrit le coutelier thiernois.
Le 1847 de PonsonUn couteau créé pour deux amis chefs ayant chacun deux étoiles au Michelin. D’abord Philippe Mille qui travaillait au domaine des Crayères à Reims et qui a ouvert son propre restaurant, Arbane (du nom d’un cépage de champagne). Il dispose sur ses tables un 1847 avec un manche en chêne de fût de champagne. Et Louis Gachet, chef au Couvent des minimes à Mane (Alpes-de-Haute-Provence). Lui a opté pour un 1847 avec un manche en ébène. Par le passé, les deux ont travaillé avec Arnaud Ponson, le fils de David, à La Chèvre d’or à Èze (Alpes-Maritimes). C’est par ce biais que la collaboration est née. "Pour eux, c’étaient deux nouveaux restaurants, c’était bien qu’ils aient un nouveau modèle", confie David Ponson, qui précise ne pas démarcher les restaurants. "On le fait parce que ce sont des amis. On travaille par affinités."
Chaque chef trouve toujours couteau à sa tableL’avantage du bassin thiernois, c’est que les couteliers sont tellement nombreux, avec des forces si complémentaires, que chaque chef trouve toujours couteau à sa table. "Nous proposons exclusivement nos couteaux de table haut de gamme, guillochés à la main, forgés. Mais nous pouvons aussi vendre les couteaux de nos collègues. Tout ce qui compte, c’est que les chefs prennent du Thiers », confie Philippe Chambriard. Car durant des années, le couteau qui avait le vent en poupe, c’était le Laguiole. "Mais au fil du temps, l’origine est devenue un peu floue, et il y en a eu partout, même dans les petits restaurants, alors les grands chefs ont eu envie de se démarquer avec du haut de gamme."
Et grâce aux couteliers thiernois, ils sont servis, car ceux-ci assurent bien souvent l’entretien des belles lames qu’ils vendent aux chefs.
Chez Marcon, il y a deux jeux de nos couteaux, illustre Philippe Chambriard. Lorsqu’un est en entretien chez nous, l’autre est au restaurant, et vice-versa.
"Les chefs sont de très bons ambassadeurs"La coutellerie Fontenille-Pataud a aussi le plaisir de collaborer avec des chefs étoilés "un peu partout sur la planète", partage son co-gérant Yann Delarboulas. Le dernier en date : un restaurant deux étoiles à Singapour. "C’est toujours un grand honneur parce que ces gens sont des vrais bosseurs, et personnellement c’est un monde que j’admire", confie le co-gérant. Si, la majorité du temps, les couteaux choisis font partie de la gamme habituelle de la coutellerie, une collaboration est sortie un peu de l’ordinaire pour les artisans, celle avec Adrien Descouls, le chef du restaurant Origines au Broc, près d’Issoire, une étoile au guide Michelin. "Ensemble nous avons recréé le couteau régional Issoire. C’était un vrai challenge pour nous, qu’on a relevé, et Adrien, devenu un ami aujourd’hui, a su nous transmettre sa passion."
Ces collaborations, qui n’auraient jamais pu exister sans la découpe laser qui permet de réaliser des petites séries, sont gages de notoriété pour les couteliers. "Souvent des gens appellent, ou viennent en boutique, et expliquent qu’ils ont mangé dans tel restaurant avec tel couteau et qu’ils veulent acheter le même. Ce n’est pas toujours possible, reconnaît Philippe Chambriard, mais on sait qu’ils repartiront avec quelque chose. Les chefs étoilés sont de très bons ambassadeurs", assure-t-il. "Pour nous, c’est de la notoriété, et aussi beaucoup de fierté", conclut Yann Delarboulas.
Sarah Douvizy et Thomas Loret