Journée blanche, ce matin, à la centrale pénitentiaire de Moulins-Yzeure où les agents ont tenu à rendre hommage à leurs collègues abattus froidement, hier, dans l’Eure, lors de l’extraction d’un détenu.
La colère est sourde, les visages fermés. Devant les grilles de la centrale pénitentiaire de Moulins-Yzeure dans l’Allier (l’une des plus importantes de France avec 101 détenus à la centrale et 224 à la maison d’arrêt), une centaine d’agents s’est rassemblée depuis 6 heures ce mercredi. " Aujourd’hui, nous sommes en deuil. Nous nous recueillons ", explique Tatiana Wrobel, représentante syndicale FO Justice (*). " Nous pensons à nos collègues et à leurs familles. Après le recueillement, viendront évidemment les revendications ".
À l’intérieur, seules les équipes de nuit assurent le service minimum. Les parloirs sont fermés, les promenades et activités interdites.
"Le manque de personnel"Parmi les manifestants, un membre du service sécurité du centre pénitentiaire qui assure les extractions journalières depuis trois ans : " Bien sûr qu’on y pense, dit-il sous couvert d’anonymat. Cela fait partie des risques de notre métier, nous savons que nous y sommes exposés. Nous sommes formés et entraînés pour ces missions. Mais avec le temps, les conditions de transfert se sont dégradées ". Il pointe du doigt " le manque de personnel. Nous avions plus de renforts avant, notamment des forces de sécurité. Mais cette année, c’est compliqué avec les Jeux Olympiques car ils ne peuvent pas toujours venir en appui ".
À l’instar des syndicats présents sur place, tous réclament la mise en place de visio pour pallier les extractions judiciaires, voire médicales :
" Il nous arrive parfois de faire un déplacement à Lyon pour deux minutes de consultation, tout ça parce qu’il n’y a pas de médecin spécialiste à Moulins. Plus le transfert est long, plus les risques sont grands. Nous avons à faire maintenant à des délinquants d’une extrême violence, bien organisés, et décidés. Sans compter que l’entourage extérieur est souvent au courant des extractions à cause des téléphones qui circulent en prison ".
"Le manque de personnels" revient partout dans les discussions. "Les niveaux d’escorte sont aujourd’hui très élevés, confirme Tatiana Wrobel. N’importe quelle équipe de sécurité peut y être confrontée. Nous réclamons a minima des équipes de trois agents, et tous armés. Que certaines extractions soient remplacées par des visios. Ajoutez à cela une surpopulation carcérale et vous obtenez un cocktail explosif. Il y a aujourd’hui chez les agents de la pénitentiaire un mélange de tristesse, de colère et d’agacement. C’est l’événement tragique de trop. Nous savions tous que cela allait arriver. Nous voudrions désormais être écoutés et surtout compris".
(*) Tous les syndicats étaient représentés : FO, UFAP, SPS et CFDT.
Alexandre Chatenet