Après le décès de la Résistante thiernoise Marguerite Dumont Arlaud, la mairie de Thiers organise une cérémonie le 25 mai et donne son nom au square de la Gare.
C’est un petit coin de verdure qui va être doté d’un grand nom. Le 25 mai, le square de la Gare sera rebaptisé "Marguerite-Dumont-Arlaud", du nom de cette Résistante thiernoise décédée le 8 septembre dernier.
"Il était évident que la Ville de Thiers se devait de rendre un hommage digne de ce nom", retrace Isabelle Furegon, adjointe aux affaires générales et à la vie quotidienne. L’élue a donc réfléchi aux lieux thiernois qu’il était possible de renommer.
Figure reconnue de l’histoire de Thiers, la résistante Marguerite Dumont Arlaud est morte
"L’idée que j’avais, c’était de ne surtout pas débaptiser quelque chose, ce qui obligerait des habitants à faire des démarches administratives pour leur changement d’adresse, tout en cherchant un lieu qui ne serait pas abandonné. J’ai pensé au square de la Gare", explique-t-elle.
L’adjointe craignait d’abord que le symbole de la gare, lieu de retour des déportés, n’envoie pas un bon signal. "Mais le maire m’a dit : “Au contraire, il y avait beaucoup de Résistants parmi les cheminots”."
Il restait à faire valider cette idée à la famille de Marguerite. "Ses deux filles m’ont dit que cela ne pouvait pas mieux tomber, car ce square, c’était toute leur enfance."
De doux souvenirs dans les années 1950En tenant dans ses mains deux photos en noir et blanc, où l’on voit des enfants jouer dans ce petit parc, Dominique Leray Arlaud, la fille cadette de la Résistante, raconte ses souvenirs des années 1950.
L’après-midi, ma mère prenait son tricot, toujours un livre et elle nous amenait au square de la Gare. On était pas mal de gamins, et elle, elle discutait en tricotant. Elle faisait sûrement ses discours sur les femmes, ça c’est plus que sûr !Archives familiales.
Ses discours ? Sur l’importance d’être indépendante quand on est une femme ! "Il y avait un gardien, un bac à sable. C’était vraiment un lieu de vie pour toutes les familles ouvrières des Hauts quartiers, poursuit-elle. Nous, on habitait rue Victor-Hugo."
Archives familiales.
Et quand elles n’allaient pas au square de la Gare, elles montaient près du château des Horts, dans les champs aujourd’hui remplacés par l’autoroute.
Marguerite allait chercher des Résistantes à la gareSi Marguerite a fréquenté ce petit parc une partie de sa vie d’après-guerre, le symbole de la gare correspond aussi à ses années de Résistance. En pleine Seconde Guerre mondiale, celle qui était alors surnommée Line était agent de liaison personnelle de Charles Hainchelin, qui était chef de zone des Francs tireurs et partisans français. Line était responsable à Thiers des Forces unies de la jeunesse patriotique. Parmi ses missions, elle allait tous les deux jours du côté d’Ambert à vélo pour porter des messages. Mais elle accueillait aussi à la gare de Thiers d’autres femmes agents de liaison, venant par exemple de Paris et allant vers le sud ou vers Saint-Étienne.
Elle allait les récupérer à la gare, elles dormaient chez elle une nuit et le lendemain, elle les ramenait au train, détaille Dominique Leray Arlaud. Elle ne connaissait pas leur identité réelle. Celles qui venaient de Paris apportaient du matériel. Ma mère le cachait. » Il s’agissait notamment de tracts et de journaux clandestins.
À la fin de la guerre, ce fut les déportés survivants qui arrivèrent à la gare de Thiers. Là encore, Marguerite était là pour ces personnes. "Elles ne risquaient pas de marcher. Elle les transportait chez ses parents, elles restaient le temps de se requinquer. C’était une solidarité nécessaire pour la reconstruction de tous ces gens. Ma mère disait : “Moi je m’en suis sortie”. Et puis elle avait une cousine qui avait été déportée, on n’a jamais su pourquoi et ça l’avait perturbée." Parmi ces figures à qui Marguerite a ouvert les bras sur le quai de la gare, il y avait Antonine Planche, autre visage féminin de la Résistance thiernoise.
Devoir de mémoirePuis les années ont passé et Marguerite estimait que ses actions résistantes étaient tombées dans l’oubli. "Je l’ai toujours entendue dire : “Je suis oubliée. Je ne suis qu’une petite fourmi. J’ai fait tout ça pour rien”, rapporte sa fille. Elle regrettait beaucoup que les écoles de Thiers ne l’aient jamais sollicitée. Alors quand à ses obsèques, j’ai vu arriver le maire et les conseillers municipaux avec leurs écharpes, cela m’a provoqué une émotion que je n’oublierai jamais."
Pour poursuivre ce devoir de mémoire, Dominique a travaillé "main dans la main" avec la municipalité pour donner le nom de sa mère à un lieu de Thiers, donc, mais aussi pour organiser une cérémonie en son honneur. La date du 25 mai a été choisie en raison de sa proximité avec le 27, qui est la journée nationale de la Résistance. Marguerite apparaîtra de nouveau à travers des photos et des vidéos qui seront projetées. Tout sera fait pour ne pas l’oublier.
L’inauguration du square Marguerite-Dumont-Arlaud démarrera à 15 heures. Au programme : le dévoilement de la plaque, un discours du maire et d’un représentant de l’Anacr, un dépôt de gerbes et la plantation d’un albizia. Cet arbre qui présente une très belle floraison correspond bien à Marguerite : "Une femme qui aimait beaucoup les fleurs et qui les dessinait", souligne sa fille Dominique.
Conférence et vidéosÀ partir de 16 heures, à la mairie (salle Tournilhac), projection de la dernière interview de Marguerite à la Ligue des droits de l’Homme ; conférence de Pierre Chevalérias, ancien professeur d’Histoire et vice-président du Cercle d’études, qui retracera le parcours de Marguerite et de son frère René ; projection de vidéos de la Libération de Thiers, du film Chemin de Line, chemins de la mémoire ; exposition de photos et vin d’honneur.
Alice Chevrier
