Dans le hall d’attente de la clinique du Haut-Lignon, au Chambon-sur-Lignon, certains se saluent et se reconnaissent, d’autres paraissent totalement perdus. Toutes ces personnes ont un point en commun : elles sont atteintes d’une maladie chronique, l’addiction. Un « virus » qui peut être lié à l’alcool, aux stupéfiants en passant par le tabac… voire à plusieurs choses à la fois « Les personnes qui viennent nous voir sont en demande de soins et on constate aujourd’hui une polyaddiction, c’est-à-dire qu’ils sont dépendants à plusieurs substances », indique Thomas Marzal, directeur de l’établissement.
La structure se décompose entre la clinique et l’hôpital de jour. « Les patients arrivent et commencent par effectuer une période de sevrage qui dure une semaine en moyenne. Par la suite, ils basculent dans la partie soins médicaux et de réadaptation pour une durée de 4 à 8 semaines durant lesquelles nous établissons un projet de soins », détaille Max Basanisi, docteur à la clinique chambonnaise. Une dernière unité dédiée à la neuropsychologie existe aussi pour compléter l’offre de soins dans le but d’identifier les conséquences cognitives sur les consommateurs.
Une problématique nationale de manque de professionnelsDeux autres structures majeures, en plus de la clinique du Haut-Lignon, visent à répondre à la demande dans le département : le centre hospitalier Émile-Roux au Puy-en-Velay et l’association Addictions France. Toutes travaillent ensemble et assurent un rôle particulier dans le suivi ainsi que le parcours de soins des malades. « Nous sommes peu d’intervenants sur le sujet et nous avons un manque de moyens pour satisfaire toutes les demandes », indique le directeur de la clinique chambonnaise. Aujourd’hui, le délai de prise en charge y est de six semaines, sauf les urgences. « Nous ne laissons jamais quelqu’un sans solution. Nous les réorientons vers les personnes qui peuvent les aider », insiste Thomas Marzal.
Toutefois, la structure se heurte à un problème de taille : le manque de médecin addictologue dans le département. Une problématique qui n’est pas propre à la Haute-Loire puisque l’ensemble de la France est touché par ce désintérêt pour la spécialité. « De ce fait, nous ne pouvons pas voir tout le monde », admet Antoine Gérard, docteur au centre hospitalier Émile-Roux. Une situation qui provoque une lacune de temps médical, même au sein de l’association Addictions France. Auparavant, le centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) ne traitait que les dépendances liées au tabac et à l’alcool. Depuis le 1er janvier 2022, elle prend en charge toutes les addictions.
Le manque de personnel, aussi bien du côté de la clinique que des hôpitaux et de l’association, entraîne une priorisation des cas à traiter. Tous s’accordent pour dire que chaque cas est unique et est étudié pour connaître le niveau d’urgence. « Ce n’est pas parce qu’une personne a reçu une obligation de soins de la part de la justice qu’elle est forcément prioritaire », précise Mélanie Cuoq, directrice d’Addictions France au Puy-en-Velay. D’autant plus que l’individu visé peut consulter n’importe quel professionnel de santé, il est donc libre de choisir le médecin ou la structure.
Renforcer le maillage territorialPour faire face au manque, le centre hospitalier Émile-Roux, en tant que centre référent dans le département, souhaite former les médecins généralistes, les pharmaciens, les infirmiers ainsi que les autres professionnels de santé sur les addictions. « Pour qu’ils puissent repérer et donner les premiers soins », détaille Antoine Gérard. Derrière cette initiative, se cache une autre conséquence du manque d’addictologues : la rupture dans le parcours de santé du patient. « Une fois que les personnes sortent d’hospitalisation, il n’y a pas assez de médecins de villes pour les suivre. Les relais extérieurs ne sont pas assez nombreux », dénonce Mélanie Cuoq.
En effet, les addictions sont une maladie chronique qui demande du temps pour être soignée. « Le patient rythme la vitesse de soins, chaque cas est unique », ajoute le médecin d’Émile-Roux. Sans ce suivi en dehors des trois grosses structures présentes sur le territoire, le risque de rechute est très fort. « On essaie toujours de préparer au mieux la sortie. L’addiction touche beaucoup de parties de la vie des malades. On fait du médico-social », insiste Thomas Marzal. Dans son parcours, le patient est amené à voir une psychologue ou encore une assistante sociale car les substances peuvent détruire la vie sociale voire professionnelle. Les structures sont là pour « redonner les clés d’un nouveau départ et de faire en sorte que les malades aient toutes les chances de leur côté dans leurs projets de vie ».
« Notre but c’est de ne plus revoir nos patients dans nos locaux. Par contre, on apprécie toujours de savoir ce qu’ils deviennent quand on reçoit des cartes postales », conclut le docteur Max Basanisi.
Pierrick Lescop
Écrans, paris sportifs… les nouvelles addictions sont peu traitées
Les addictions comportementales sont en hausse. Photo d’illustrationLes structures de Haute-Loire traitent essentiellement les addictions liées à la prise de substances. Les nouvelles sources d’addictions existent dans le département, mais ne sont pas traitées comme les professionnels aimeraient.
Avec les évolutions technologiques, de nouvelles addictions sont apparues et frappent une partie de la population. Les écrans et les jeux vidéo peuvent créer une réelle dépendance chez certaines personnes. Ces dernières peuvent avoir le même comportement que les accros à des substances : isolement, agressivité…
Une demande existante sur le territoire« Nous ne pouvons pas prendre en charge ces addictions de comportements. Il est nécessaire d’avoir un environnement dédié, car il y a des besoins spécifiques qui relèvent de la psychiatrie », admet Thomas Marzal. La clinique du Haut-Lignon a toutefois reçu des demandes de traitement de personnes dépendantes aux écrans et aux jeux.
Du côté d’Addictions France, la partie consultations jeunes consommateurs évoque avec les patients les risques de ces addictions numériques. Les équipes dédiées aux jeunes se rendent à la Maison des ados et dans les lycées pour faire de la prévention et délivrer les bonnes informations pour connaître les risques. « C’est une partie que l’on aimerait développer à l’avenir avec un dispositif spécial et dédié à ces nouveaux comportements addictifs », avoue Mélanie Cuoq.
S’il existe une demande en Haute-Loire, les structures ne peuvent pas répondre comme elles le font pour les addictions aux substances par manque de moyens.
