Un printemps pluvieux en Auvergne ? Les tiques adorent. Que risque-t-on avec une piqûre ? Comment s'en prémunir ? Les experts partageront leurs connaissances avec le public pendant une semaine de prévention, à Clermont-Ferrand, du 27 au 31 mai.
En Auvergne-Rhône-Alpes, le réseau Sentinelle estime à 7.400 le nombre de nouveaux cas de borréliose de Lyme en 2022. Difficile à évaluer, la maladie est toujours mal comprise par le public. D’où la semaine de sensibilisation « Tiques et vous » organisée du 27 au 31 mai, à Clermont-Ferrand et Brioude, par le centre de référence des maladies vectorielles liées aux tiques du CHU. Quelles sont les connaissances actuelles ? Les réponses de l’infectiologue Clément Theïs.
Quelles maladies sont transmises par la tique ? "La tique est le seul vecteur de la maladie de Lyme, qu’on ne peut pas attraper au contact d’un autre animal. Mais la tique peut véhiculer d’autres maladies, par exemple la maladie des griffes du chat ou la tularémie. Il y a aussi le virus de l’encéphalite à tique, qu’on a trouvé pour la première fois en Auvergne en 2023, chez trois patients."
Peut-on identifier des personnes à risques ? "Il y a des personnes plus piquées que d’autres, oui. C’est certainement une question de biotope cutanée. Comme les peaux à moustiques, il y a des peaux à tiques."
Des zones à risques ? "Les broussailles d’une manière générale. Et pas besoin de faire une balade en forêt pour se faire piquer. Des études l’ont montré, 30 % des borrélioses en Europe de l’ouest, c’est une piqûre dans le jardin."
Une saison à risques ? "Les tiques sont très sensibles aux conditions climatiques, en particulier au froid et à la dessiccation. Le pic d’activité, c’est l’automne et le printemps. Avec un printemps pluvieux comme celui que nous connaissons, elles s’éclatent !"
Quels sont les moyens de prévention ? "On conseille les vêtements couvrants. Comme les tiques ne tombent pas des arbres, c’est important de se protéger le bas du corps. Mais on n’a aucune méthode efficace à 100 %.
Les répulsifs, ça peut marcher un peu, mais ça pose la question de la toxicité et de la durée d’action. Quant aux huiles essentielles, elles sont peu ou pas efficaces. La prévention la plus intéressante, c’est l’auto-inspection, après une promenade."
Les tiques sont-elles faciles à repérer ? "Oui, en général, sauf les larves, qui sont minuscules. Les tiques préfèrent les zones humides, donc il faut regarder surtout le pli inter-fessier, les plis inguinaux, les creux axillaires, le cuir chevelu."
Que faut-il faire en cas de piqûre ? "On enlève la tique le plus tôt possible, avec un tire-tique ou une pince à épiler. Le temps de contact est un facteur clé dans la transmission de la borrelia, 24 heures de contact c’est 5 % de transmission, 72 heures de contact c’est 30 %. Plus le temps de contact est important, plus la bactérie va pouvoir remonter du tube digestif de la tique."
"On ne désinfecte surtout pas avant l’ablation, ça fait régurgiter la tique et vous allez augmenter le risque de transmission des pathogènes. On désinfecte après."
Est-on forcément malade quand on est piqué ? "Non. D’abord, les tiques ne sont pas toutes infestées. En Auvergne, 20 % des tiques sont porteuses de la borrelia. Pour les autres pathogènes, c’est beaucoup moins. Donc on peut être piqué par une tique et être indemne de tout pathogène. On peut être piqué par une tique infestée par la borrelia et être aussi indemne, si l’ablation est faite rapidement. Et même s’il y a transmission du pathogène, on n’est pas forcément malade."
Quels sont les signes d’une maladie ? "Le premier signe clinique de la maladie de Lyme, c’est l’érythème migrant. Dans ce cas, il faut un traitement par antibiotique. Mais l’érythème n’est pas toujours là.
Si on n’a pas de manifestation cutanée, mais des symptômes de fatigue ou articulaires ou neurologiques, il faut consulter le médecin, qui pourra proposer un traitement par antibiotique. Idem si on a un symptôme grippal dans le mois qui suit la piqûre, ou des signes d’autres maladies vectorielles, comme un ganglion dans le territoire de drainage."
Les tests sérologiques sont-ils fiables ? "Un grand ménage a été fait dans ces tests, qui avaient des performances tout à fait disparates. Depuis dix ans, les sérologies sont fiables. Mais on n’en tire rien de plus qu’avant. La sérologie positive indique seulement que le patient, à un moment de sa vie, a été piqué par une tique infestée par la borrelia."
"On sait que 90 à 95 % des gens qui ont une sérologie positive ne sont pas malades. Les patients traités et guéris vont garder une sérologie positive pendant des années. On sait aussi qu’une maladie de Lyme bien traitée n’évoluera jamais vers d’autres formes. En revanche, elle n’est pas immunisante. On peut très bien être malade plusieurs fois ! "
Coordonné par les infectiologues du service des maladies infectieuses du CHU, ce centre "est un recours pour les médecins généralistes et les infectiologues, quand ils ont besoin d’une expertise pour des cas qu’ils jugent douteux", explique Clément Theïs, le spécialiste en charge du CMRVT de Clermont-Ferrand, où environ 70 demandes sont traitées chaque année. La formation, la recherche et la communication avec le public font aussi partie de ses missions. D’où l’organisation de la semaine "Tiques et vous", en partenariat avec l’Agence régionale de santé et l’Inrae.
Les rendez-vous programmés
Lundi 27 mai. 14 heures - 18 h 30 : Théma’tiques, cycle de mini-conférences, salle Conchon, à Clermont-Ferrand. Mardi 28 et jeudi 30 mai. Expositions et stands au CHU de 10 heures à 15 heures et à la mairie de Clermont-Ferrand. Mercredi 29 mai. Animation auprès des élèves lors des accueils périscolaires de Clermont-Ferrand. Vendredi 31 mai. À partir de 9 heures, randonnée au départ de la maison des espaces naturels à Sallèdes.
Isabelle Vachias
