Avec Astéréotypie, le handicap enrichit la culture

La culture peut non seulement être un levier d'inclusion, mais aussi se nourrir de talents atypiques. C'est ce que défend Christophe L'Huillier, à l'origine du collectif Astéréotypie. Ancien éducateur spécialisé, il a su faire reconnaitre le talent d'écriture des jeunes qu'il suivait dans un groupe de musique. Depuis, il multiplie les actions pour démontrer " l'apport de la marge ".

Faire du pédalo à Saint-Malo, du kayak à Saint-Briac... Ce n'est pas le programme de vos prochaines vacances mais le titre d'un groupe qui rencontre un petit succès : une tournée à travers la France - souvent complète -, de nombreuses retombées de presse, un quatrième album en préparation. Son nom ? Astéréotypie. Son genre ? Du post-punk, soit un mélange de punk, rock et électro. Sa particularité ? Quatre de ses membres ont été diagnostiqués autistes. Ils se sont rencontrés lors d'un atelier d'écriture, à l'IME (institut médico-éducatif) de Bourg-la-Reine, dans les Hauts-de-Seine. Christophe L'huillier est leur ancien éducateur. Et c'est lui qui est à l'origine du collectif Astéréotypie qu'il accompagne aussi en tant que guitariste. " Mon souhait, c'est de parler de l'apport de la marge, explique-t-il sur la scène Plein Cadre de We Are French Touch 2023. C'est-à-dire de mettre en lumière des personnes en situation de handicap qui sont invisibilisées dans l'histoire de l'art. On peut désormais imaginer des systèmes pour les remettre au centre des actions culturelles et même au coeur de la création. " Pour Christophe L'huillier, il ne s'agit pas de chercher une quelconque forme de thérapie par l'art, mais bien de faire émerger ces jeunes artistes à part entière et de les inclure en tant que tels dans la scène musicale française.

L'ancien éducateur spécialisé en est convaincu : les personnes à la marge - et ici en l'occurrence autistes - permettent d'apporter un point de vue différent compte tenu de leur vision du monde. Elles possèdent un regard, une analyse, un esprit critique " jamais vu ailleurs ", d'après ses mots. Il a d'ailleurs multiplié les projets et les casquettes pour mettre en action ses propos. Christophe L'Huillier a également rejoint les équipes du Papotin, un journal qui regroupe des journalistes autistes chargés d'interviewer des personnalités de la culture.

Le musicien touche- à- tout a aussi été bénévole dans une association baptisée Le Futur composé. Cette dernière fédère une quarantaine d'institutions qui accueillent des personnes autistes ou présentant des troubles autistiques, dans toute l'Ile- de- France. " Nous avons multiplié les actions pour permettre la création de pièces de théâtre avec un système de casting reposant sur une question : qui peut potentiellement apporter quelque chose à une pièce ? Nous avons organisé des résidences de plusieurs semaines avec des comédiens, des musiciens, des metteurs en scène, etc.", précise-t-il. C'est dans ce cadre-là que tous ont imaginé le Colis Suspect, un festival destiné lui aussi à mieux inclure les personnes hors cadre par le prisme de l'art, prouvant à la fois leur talent, leur légitimité et la fraicheur qu'ils apportent à une discipline.

Le principe du Colis Suspect réside dans l'échange avec des institutions partenaires qui ont cinq mois pour rendre une oeuvre d'art dans l'une des catégories définies en amont : participation libre (où chacun peut tenter sa chance), artiste solo (pour faire sortir des murs de l'institution l'oeuvre d'un jeune qui présente un talent singulier) et artiste associé. " Dans cette catégorie, nous essayons de travailler avec des artistes les plus variés possibles pour être plus ambitieux que la pratique de la pâte à modeler et nous tourner vers de la photo, de la sérigraphie, de la vidéo, etc. Nous faisons alors en sorte qu'il y ait une rencontre entre un artiste reconnu et un résident de l'institution - mais attention, le but n'est pas de proposer un cours de stopmotion, par exemple : la personne doit être au service de l'artiste à la marge afin qu'ils signent ensemble une oeuvre commune qui sera exposée à Ground Countrol (Paris 12e) ", poursuit Christophe L'Huillier.

En somme, pour lui, il ne s'agit juste de faire quelque chose juste pour répandre la bonne action : " Il y a vraiment une suite à ces actions-là, avec ce rappel incessant qu'émergera une production jamais vue ailleurs. On peut tout imaginer, à condition d'avoir les bons réseaux à la fois dans les structures institutionnelles et culturelles. " Le rendez-vous est fixé, toujours à Ground Control, du 13 au 20 juin 2024, pour la prochaine édition du festival Colis Suspect. Et durant ce temps, les membres d'Astéréotypie continueront leur bout de chemin, se désolant de ce constat : aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme.

Cet article a été publié initialement sur Big Média Avec Astéréotypie, le handicap enrichit la culture