Plus d’une centaine d’agents se sont mobilisés ce mercredi, à Limoges, en Haute-Vienne, et à Uzerche, en Corrèze, en mémoire de leurs collègues abattus dans l’Eure, mardi.
À la maison d’arrêt de Limoges, et au centre de détention d’Uzerche, les agents pénitentiaires ont suivi le mouvement national « Prisons mortes », suite l’appel de l’intersyndicale professionnelle* lancé la veille.
6 h 30. L’émotion est là, devant les portes de la maison d’arrêt de Limoges, où les agents pénitentiaires se sont réunis. « Nous avons assuré un service minimum. Seules les promenades, le service médical et la distribution des repas ont été assurés », indique, Thierry représentant du syndicat FO Justice.
Quelques heures auparavant ce mardi, deux de leurs collègues étaient froidement abattus et trois autres blessés, dont deux grièvement, à une barrière de péage de l’Eure pour faire évader un détenu lors de son transfert.
Manque de moyensEn hommage à ces deux hommes, une minute de silence a été respectée à 11 heures par la trentaine de personnes présentes. « Nous avons reçu le soutien de plusieurs avocats, cela fait du bien », assure Thierry. Tous attendent désormais des « prises de décisions » comme l’indique Fatima Benyoussa, responsable CGT pénitentiaire au sein de la maison d’arrêt de Limoges.
En Corrèze, plus d’une centaine de personnels du centre de détention d’Uzerche se sont rassemblés et ont bloqué les entrées et sorties de la prison pour dénoncer les manques de moyens dès 6 h 15 du matin. Devant la façade orange du centre de détention, le recueillement en mémoire des victimes cédait le pas à une sombre exaspération.
« C’est le choc pour tout le monde. Un sentiment de dégoût… Nos collègues abattus comme ça, de sang-froid, c’est la stupéfaction… », lâchait Laurent Juin, secrétaire local du syndicat SPS. À ses côtés, dans un mouvement d’agacement, Julien Dubois, son homologue de l’UFAP, estimait : « C’était presque prévisible. On se demandait seulement quand ça allait arriver. »
Ça suffit, nous voulons des actes !
Avec Cédric Troussier, représentant FO, tous pointent du doigt le manque de moyens. « Les voyous sont en avance sur tout. Tant les moyens matériels, car ils étaient équipés d’armes lourdes, qu’humains, car ils étaient nombreux. » Sous couvert de l’anonymat, des agents passent outre, chose rare, le devoir de réserve : « Cette tragédie, qui résulte du manque de moyens est aussi le reflet de ce qui se passe à l’intérieur des établissements… »
Après la minute de silence observée devant la prison comme à l’intérieur par l’ensemble des personnels, tous attendaient des réponses concrètes du ministre de la Justice. « Maintenant, ça suffit, nous voulons des actes ! », avertissait un collègue, alors que l’ensemble des entrées et sorties du centre de détention étaient figées. « À l’intérieur, où les équipes de nuit sont restées par solidarité au blocage, les détenus restent en cellule, les repas sont donnés en cellule et sans promenade. On attend des propositions. »
L’air las, à proximité d’un panneau STOP sur lequel une cible a symboliquement été apposée, un surveillant lâche, pessimiste : « Cette scène dans l’Eure, on aurait pu être en Colombie ou au Mexique avec des cartels. On en est là et il faut repenser tout le système, mais est-ce seulement possible ? »
(*) FO Justice, UFAP, CGT Pénitentiaire, SPS.
Julien Bachellerie et Émilie Montalban
