Recherché par les talibans, Saidal Hotak a été contraint de fuir son pays, l’Afghanistan. Là-bas, il travaillait pour les armées française et américaine. Réfugié à Saint-Beauzire (Haute-Loire), c’est d’ici qu’ils a appris l’effondrement des forces gouvernementales. D’ici qu’il se bat pour tenter de faire rapatrier sa famille.
« Comment voulez-vous qu’un homme qui a ses enfants en Afghanistan arrive à dormir la nuit ? Depuis que le Gouvernement est tombé, je suis obligé de prendre des médicaments… Je ne sais pas qui peut m’aider… »
Saidal a six enfants, trois garçons et trois filles, coincés en Afghanistan comme tout le reste de sa famille.
Pris pour cible par les talibansCe pays, lui a été obligé de le fuir. « J’étais chauffeur dans une entreprise qui travaillait pour les armées française et américaine. Je transportais du matériel sur les bases militaires », se souvient-il.
J'allais livrer du matériel pour les Américains. Les talibans ont tiré sur la voiture. J’ai perdu le contrôle. J’étais inconscient.
Par deux fois, les talibans ont tenté de s’en prendre à lui. « Une première fois lorsque j’étais en mission, ils m’ont tiré dessus, explique-t-il en montrant sa hanche. La deuxième fois, j’allais livrer du matériel pour les Américains, ils ont tiré sur la voiture. J’ai perdu le contrôle. J’étais inconscient. Quand j’ai ouvert les yeux, j’étais à l’hôpital, avec des bandages ». Saidal a été blessé à la tête et il en souffre encore aujourd’hui. Mais il reprend le travail. Continue de livrer les bases militaires.
Sa maison fouillée, ses proches frappés« Un jour, j’étais à Kaboul, sur une base où je n’avais pas le droit d’avoir mon téléphone. Quand j’ai fini le travail, j’ai vu que j’avais beaucoup d’appels de mon petit frère. Il m’a dit de rentrer à la maison. Quand je suis arrivé, il m’a expliqué que les talibans me cherchaient et qu’ils étaient venus ici. Ils avaient frappé ma famille.
Mon père avait le bras cassé. Mon frère avait été frappé au visage, il avait des bleus partout… Les talibans avaient fouillé la maison.
« Les talibans avaient montré une photo de moi en train de charger un camion de l’armée… Mon frère a fini par leur dire que je travaillais pour l’armée. Mon père n’était pas au courant. Il m’a dit qu’il valait mieux que je parte. Mes enfants sont allés chez mes beaux-parents. Les talibans me cherchaient, personne ne voulait prendre le risque de me protéger… »
Aidé par son beau-frère, Saidal a alors fait appel à un passeur. Il a quitté l’Afghanistan, direction la Suède où il est resté trois ans. « Ils voulaient me renvoyer dans mon pays, alors j’ai fui vers la France. J’étais à Paris, porte de La Chapelle. Il faisait froid là-bas. J’ai écrit mon histoire et j’ai envoyé une demande à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides, N.D.L.R.). Quatorze mois plus tard, j’ai obtenu un rendez-vous. J’ai encore attendu quatre mois et j’ai eu la décision : j’ai mes papiers de réfugiés », glisse-t-il dans un sourire discret.
« Je ne peux pas protéger mes enfants »Le cœur n’y est pas. Ces derniers jours l’actualité a rattrapé Saidal. « Je ne peux pas protéger mes enfants, ma famille. J’ai écrit au Gouvernement français. J’ai fourni toutes les informations demandées pour essayer de les faire rapatrier. Je n’ai pas de réponse. Et puis, c’est très compliqué d’avoir des nouvelles. Je deviens fou, dit-il le regard embué, serrant fort son téléphone. J’ai passé plus de six jours sans nouvelles d’eux… C’est trop dur. »
Mathilde Fontès