Au volant de son tracteur, Cédric Morel lance quelques coups de klaxon et sourit, face aux applaudissements de certains habitants regardant ou filmant son engin arpentant les avenues clermontoises, pour rejoindre la manifestation qui se tient place de Jaude.
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« C’est dommage d’en arriver là », regrette cet agriculteur, installé depuis 1997, près d’Ambert, dans le Puy-de-Dôme.
« Ce n’est quand même pas normal d’être aux mêmes tarifs que ceux qu’il y avait dans les années 1960?! Si nos productions avaient suivi l’inflation qu’on connaît depuis l’euro, on ne serait pas là aujourd’hui?! »
Il est la troisième génération d’agriculteurs de la famille. Il a d’abord fait du lait, avant de se tourner vers la viande. « Je ne voyais plus mes enfants. Et puis on n’a pas suivi niveau modernisation et machines, les prix et les investissements nous ont fait peur. »Plus que la colère, on sentait chez les manifestations de la lassitude face à des « promesses non tenues» (photo Richard Brunel)
Aujourd’hui, il est à la tête de près de 80 allaitantes, en limousine, avec sa femme, passionnée de génétique. « Quand on reçoit un catalogue pour les taureaux, on croirait que c’est un catalogue de jouets de Noël », s’esclaffe-t-il.
« Le problème ? C’est qu’il y a trop d’intermédiaires »Malgré le sourire et le calme de Cédric Morel, se dégage une sorte de résignation et d’exaspération.
« Cela fait des années qu’on nous fait des promesses qui ne sont pas tenues. Au niveau des politiques, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre?! On est le dernier barreau de l’échelle, en dessous de nous, il n’y a plus personne sur qui répercuter les prix. Le problème?? C’est qu’il y a trop d’intermédiaires. »
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Et la nouvelle Politique agricole commune ne devrait rien arranger. L’éleveur a fait le compte : en l’état actuel, il va perdre 15.000 €.
Les manifestants demandaient entre autres une meilleure rémunération de leurs productions (photo Richard Brunel)
Pierre Faucher, lui, a fait le déplacement d'Ytrac, dans le Cantal. A 27 ans, il est venu se faire entendre.
« Dans les campagnes, ça va mal »« Dans les campagnes, ça va mal, confie-t-il. Encore plus avec les incertitudes sur la PAC et les aides couplées pour les vaches allaitantes. Et on traverse une grosse crise avec les broutards à l’export. Je perds 200 à 300 € par veau depuis juin. À un moment, ça va coincer. »
« On a du mal à joindre les deux bouts, avec des prix trop bas. Les revenus de l’élevage sont bien en dessous des céréaliers. S’il n’y a plus de vaches, il n’y a plus d’entretien ni de paysans, c’est la mort des milieux ruraux?! Aujourd’hui, le ministre a la balle dans son camp. »
« On est aussi là pour l’image de notre métier, car on est beaucoup pris à partie, ajoute Guillaume Lottin, originaire de Voussac, dans l'Allier. Nos charges ont doublé, voire triplé, alors que les prix n’ont pas augmenté depuis trente ans. En 2015, ça n’allait pas, mais là, c’est pire. On ne comprend plus trop l’État, il y a un double langage. »
« On est là pour avoir un métier un peu plus reconnu »« On est là pour avoir un métier un peu plus reconnu, estime Lionel Guerrier, de Craponne-sur-Arzon, en Haute-Loire. On ne compte pas nos heures, on fait des produits de qualité et on voudrait vendre notre marchandise au prix qu’elle vaut. Mon fils doit s’installer d’ici deux ou trois ans, je suis là pour lui, il faut surtout aider les jeunes ! »Sébastien, Anthony et Gaël ont fait le déplacement depuis la Creuse
« C'est la fin pour 90% des exploitations du Massif-Central! »A 21 ans, Gaël Lacombe, lui, est venu avec deux éleveurs installés, Sébastien Legrand et Anthony Reige. Tous trois sont en Creuse et travaillent ensemble.
« On est dans un département d'élevage. Si ils font ce qu'ils disent avec la Politique agricole commune, c'est la fin pour 90% des exploitations du Massif-Central ! Depuis qu'on est installé, c'est de pire en pire ! On fait de la qualité mais on ne vend pas au prix que ça mérite », souffle le trio.
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« L'aliment, la paille, le matériel, le gasoil... tout augmente. Sauf ce qu'on vend ! », se désespère Sébastien Legrand.
Gaël voulait s'installer mais prévoit de renoncer« On a la passion parce qu'on est né là-dedans et on a la chance de s'être installés dans des structures assises et pérennes. Sinon, c'est impossible de s'installer aujourd'hui », renchérit Anthony.
Gaël, lui, a d'ailleurs décroché un Bac STAV et un BTS productions animales dans l'optique de s'installer. « J'ai renoncé. Je pensais me lancer au moins dans le para-agricole, mais vu ce qui se passe, ça ne donne pas envie de s'installer ! On a la passion mais les prix sont les mêmes depuis trente ans. On préférerait ne pas être là aujourd’hui et vivre de nos produits. »
Gaëlle Chazal
gaelle.chazal@centrefrance.com
