Littérature, scénario, télévision, cinéma,... il ne lui manquait plus que la bande dessinée à son bonheur d'auteur. Didier Decoin franchit le pas avec le projet bien avancé d'une BD sur la dynastie des Valois doublé d'une série TV sur Diane de Poitiers avec Isabelle Adjani.
Une bande dessinée, quelle idée ! Je suis un lecteur de BD depuis toujours. En écrire une, en association avec le dessinateur Marc Jailloux, l'auteur d'Alix, c'est une façon de faire du cinéma sans les contraintes financières, matérielles. Surtout une histoire historique. Le sujet porte sur la dynastie des Valois. Sur cette toile de fonds se débattent les membres d'une famille de charpentiers. Ils vont rencontrer des problèmes un peu similaires aux nôtres. Chez les Valois, je suis intéressé par toutes les questions religieuses, l'alliance entre François 1er et le souverain turc Soliman le magnifique. Notre roi s'était acoquiné à un Islam pur et dur sans que la société s'en émeuve à l'époque. La BD, c'est une forme d'écriture bien distincte ?
Les bulles ne sont pas extensibles et les dialogues très informatifs. Le fait d'être obligé de faire des ellipses implique une construction littéraire très intéressante. Je mène de front cette bande dessinée avec l'adaptation d'une mini série pour la télévision autour de Diane de Poitiers. Je traite ainsi le scénario avec le côté dynamique et moderne de la bande dessinée.
Quelle sera la distribution ?
Josée Dayan fera la réalisation et Isabelle Adjani est pressentie pour le rôle titre. Le tournage pourrait avoir lieu cet automne. Tout dépendra de l'évolution de la pandémie, mais j'ai confiance en Josée Dayan qui est un chef de guerre.
"Les pandémies d'autrefois sont pleines d'enseignements mais on n'en a pas tenu compte"
Comment voyez-vous cette période post-confinement ? Je reste dans le vertige, ayant l'impression que l'on n'a pas pris assez conscience des ravages de cette saloperie. Pour moi, le post confinement n'est pas l'essentiel, c'est plutôt le nombre de morts. Les gens mouraient et on se demandait d'abord si on pouvait sortir demain pour faire son jogging. Cela me défrise un peu.
Cette épreuve vous a-t-elle changé ?
Je ne crois pas car je me suis toujours attendu à un cataclysme mais je pensais qu'il serait plutôt de l'ordre d'une catastrophe nucléaire ou d'une guerre mondiale. Je n'avais pas pensé à une telle pandémie. Pendant la période de confinement, j'ai beaucoup relu des textes sur le sujet. Les pandémies d'autrefois sont plein d'enseignements mais on n'en a pas tenus compte.
Il n'y a pas que La Peste de Camus !
Il y a l'admirable livre de Giono, Le hussard sur le toit, avec ce garçon attendu à tort de transmettre le choléra. Le point de vue humain est très fort, avec une grande beauté littéraire. J'ai aussi trouvé des textes sur les pestes ayant frappé Marseille, Londres, les pays scandinaves. Mais hier comme aujourd'hui, les gens ne regardaient pas les morts, seulement la gêne que cela leur occasionnait, pensant que c'était une façon de mépriser les virus.
Finalement, cette pandémie n'a-t-elle pas révélé notre peur d'affronter la mort en face ?
C'est une certitude pour notre époque. C'est à la mort que l'on a mis un masque hyper efficace...
Vous, avec votre foi chrétienne chevillée au corps, vous êtes à l'aise avec le sujet.
La seule chose qui m'embête, c'est la rupture avec ce que j'aime. J'ai une grande confiance dans la parole du Seigneur mais je ne sais pas ce qu'il y aura de l'autre côté. Je sais que ce sera plus beau que ce que l'on trouve sur cette terre, mais y aura-t-il ce que j'adore ici ? La mer, les bateaux, les jardins, les fleurs, les arbres, la bonne nourriture,...
"Le futur Goncourt est déjà écrit"Question de Proust : si Dieu existe, que voudriez-vous qu'il vous dise après votre mort ?
Confiance. C'est ce qui nous manque le plus aujourd'hui. On ne sait plus à qui on peut avoir confiance. J'ai eu des parents formidables, ma femme est exceptionnelle. On reste tous fragiles. La solitude, c'est lorsque l'on n'a plus personne sur qui s'appuyer, se faire consoler.
Lisez-vous déjà des livres pour le futur Goncourt ?
Tout au long du confinement, il y a eu une rétention de La Poste et des éditeurs. En principe, les livres arrivent à partir de mi mai, mais on sait que les sorties vont être reportées. Diverses hypothèses sont possibles. Les éditeurs peuvent très bien attendre l'automne pour sortir leurs ouvrages ou les déporter à début 2021.
Le futur Goncourt sera-t-il teinté de Coronavirus ?
Non car il est déjà écrit et probablement déjà imprimé prêt à être livré. En revanche, on aura une flopée de bouquins sur le sujet au printemps 2021... si on sort définitivement de cette pandémie. Car quitter le confinement va libérer du virus ! On peut craindre que le compteur des hospitalisés s'emballe.
"Goncourt, ce n'est pas qu'un prix littéraire ! "Du Goncourt, on ne connaît finalement que l'effervescence au moment de la proclamation du prix. Mais que se passe-t-il avant ?
Les discussions entre votants sont toujours très intenses, passionnantes et débutent des mois auparavant, notamment au cours de l'été. Quand on arrive à la publication en septembre de la première liste, on s'est déjà presque tout dit. Mais on en discute jusqu'à la dernière seconde. On n'est pas forcément tous d'accord.
Êtes-vous soumis à la pression des éditeurs ?
S'ils essayent, le livre qu'ils défendent est éliminé.
Être président du Goncourt, c'est le couronnement d'une carrière ?
C'est d'abord une grosse responsabilité, je ne l'ai jamais cherché, étant déjà heureux d'appartenir à l'Académie. Mon ambition, c'est d'expliquer que l'Académie Goncourt n'est pas seulement un jury décernant un prix.
C'est à dire ?
C'est un acteur culturel majeur de la société française, fonctionnant toute l'année. Le Prix Goncourt est une lumière tellement éblouissante qu'on ne voit pas le reste. On fait un travail considérable sur la francophonie, au contact d'une vingtaine de pays. On met en valeur la langue française mais aussi l'exposition mondiale de la littérature française contemporaine. Il n'y a pas que Voltaire et Rousseau. La littérature française, c'est aussi Houellebecq !
Au fait, comment se porte votre chatte Twiggy ? J'ai une relation fusionnelle avec cette chatte récupérée dans la rue. Une tête de princesse égyptienne, des yeux en amande, elle est très tendre à un point inimaginable. Pour moi, elle est très importante quand j'écris, elle apaise mes angoisses. Une petite caresse et ça repart !
Olivier Bohin
olivier.bohin@centrefrance.com
Anglicisme. "Cela ne m'inquiète pas car l'anglais est une très belle langue. Je ne parle pas du globish. De plus, une langue s'enrichit de l'apport d'autres langues. Énormément de mots français ont été inclus dans l'anglais. Il y a des termes anglais qui sont bons, je pense à week-end, à docker. Ce dernier mot est emprunt de poésie. Il sera au coeur d'un prochain ouvrage."