Trois détenus sont libérés de prison, le temps d’un week-end, avec pour horizon une bonne réinsertion dans l’ordre social. Les trois histoires qui constituent Temps mort sont indépendantes les unes des autres. Un peu trop, justement : du récit de Bonnard (Karim Leklou) à celui de Hamousin (Issaka Sawadogo) ou Colin (Jarod Cousyns), il ne résulte aucun lien, aucune densité dans le discours. Si le segment dédié à Leklou demeure le plus intéressant, la consistance de son personnage, un homme déboussolé entre troubles psychologiques et recherche de pardon auprès de son fils, n’est mise qu’au service d’un exercice dramatique vain, embourbé par les deux autres histoires à raconter.
Ces trois prisonniers au bon fond explorent, chacun à leur manière, le prolongement de la peine encourue une fois dehors à travers une mise en scène qui se déresponsabilise en permanence, évitant systématiquement d’élever les problèmes individuels rencontrés à un niveau supérieur, politique. Pourquoi la sortie de prison n’est-elle pas heureuse ? Pourquoi la justice et la famille ne prennent pas le même temps pour estimer que la peine a été purgée ? À la place, Temps mort se cache derrière d’autres questionnements hors du sujet initial, un brin parasitaires, tels que le rapport que Colin entretient au sexe ou le mépris banalisé que subit Hamousin face à un employeur.
Malgré sa sincérité, Temps mort ne capture que trop rarement le malaise et la souffrance de ces libérés provisoires. Dans une scène à table avec sa famille, hormis quelques gros plans dispensables, le personnage qu’incarne Karim Leklou cherche sur quel registre communiquer avec les différents membres de sa famille, dont la rancune a laissé des cicatrices plus ou moins refermées. Ici, le film touchait enfin du doigt ce qu’il ne fera qu’effleurer superficiellement par la suite : le moment tragique où les condamnés se rendent compte qu’à la peine pénale se substitue sans temps mort une honte sociale, qui elle, est sanctionnée à perpétuité.
Temps mort d’Ève Duchemin, avec Karim Leklou, Issaka Sawadogo, Jarod Cousyns (France, 2023, 1 h 58). En salle le 3 mai.