« Être appelée pour jouer pour son pays c’est incroyable. À chaque fois. » Appelée par Hervé Renard le 31 mars dernier pour jouer la Coupe du monde de la FIFA 2023, Viviane Asseyi ne boude pas son plaisir. « Même si on y va souvent. Il n’y a rien au-dessus. Et en plus représenter son pays à la Coupe du monde, la meilleure des compétitions… c’est indescriptible », lance-t-elle de l’émotion plein la voix. Déjà convoquée en 2019 par Corinne Diacre, l’attaquante a donc réussi à convaincre deux sélectionneurs différents.
Nouveau championnat
Pourtant l’année dernière, Viviane a quit- té son club de coeur, le Bayern Munich, qu’elle « prend toujours à FIFA » d’ailleurs, pour découvrir un championnat en plein essor. Pour sa première saison en FA Wo- men’s Super League, la Rouennaise a montré de belles choses. Meilleure buteuse de West Ham avec 6 buts et 3 passes déci- sives, l’attaquante s’est surtout montrée très adroite dans le Money Time (5 de ses buts ont été inscrits dans les 5 dernières minutes, ndlr.).« Aucune erreur n’est par- donnée ici. Le dernier peut largement battre le premier, tout le monde se donne à fond et joue collectif. J’en ai parlé avec des collègues de Chelsea et elles me le disent, ‘nous ne sommes jamais tranquilles’ », s’en réjouit l’attaquante. Un statut de titulaire in- discutable, dans « le meilleur championnat du monde », qui lui a permis de faire partie de l’aventure. Elles étaient d’ailleurs plus d’une centaine à évoluer dans le championnat d’Angleterre à cette Coupe du Monde 2023.
Une régularité que l’ancienne de Montpellier affiche depuis des années. De Rouen à la banlieue de Londres ,le temps passe, le kilométrage depuis sa ville natale, Mont- Saint-Aignanaise, augmente, mais les performances restent. « J’ai toujours envie de progresser et aller à l’étranger était un choix muri », expliquait-elle lors de son arrivée au Bayern Munich. « Elle comprend une grande partie des causeries en allemand, elle parle allemand avec les filles sans difficulté. Ça montre aussi son caractère : elle donne le maximum, elle a envie de comprendre et d’apprendre », lançait, surpris, Jérôme Reisacher, coach de Viviane lors de son passage en Allemagne. Une déclaration qui en dit long sur l’ex-Bordelaise.
La bonne humeur incarnée
Une intégration aussi rapide qu’un appel dans le dos de la défense et un comportement irréprochable. Et cela partout où elle passe. « Je me lève, je joue au foot. Je vis des choses extraordinaires, je voyage… Qui n’aimerait pas avoir ma vie… J’en suis consciente et ça me rend joyeuse. Peut-être que demain je ne serais plus là. Je vis comme ça… » Cette philosophie a sans doute joué un petit rôle dans la décision d’Hervé Renard : « Je l’ai souvent répété : de l’enthousiasme, de l’application, de la concentration. C’est un groupe qui vient bien sur le terrain, et en dehors. Je leur ai dit que j’étais content de les revoir, j’espère que c’est réciproque », plaisantait le sélectionneur des Bleus avant la compétition.
« On a toujours été comme ça », et cela se ressent dans les images. « Je mets de la musique, je m’amuse, on est un groupe soudé », souligne-t-elle.
« Ma mère ? Je lui dois presque tout »
Une joie de vie due à son éducation, « ma mère m’a faite comme ça », on ne s’invente pas, c’est sûr. Véritable mascotte des Bleues, Sidonie Asseyi a fait le show lors de la CDM 2019 que la France jouait à domicile. Mais si elle suit sa fille aujourd’hui, elle l’a surtout toujours soutenue. En réalité Viviane n’avait que 6 ans lorsque l’amour des Bleus l’a envahie. Un maillot iconique, un joueur légendaire et voilà la petite graine de championne qui demande à sa maman de lui acheter un ballon de foot. Comme pour beaucoup, c’est un certain Zinedine Zidane qui lui a donné envie de fouler les pelouses. « Je suis tombée amoureuse de son jeu, de sa technique et puis j’étais jeune, je l’ai vu marquer en finale… c’est un souvenir que je n’oublierai jamais », se sou- vient l’attaquante de West Ham avant de poursuivre. « Je lui ai tout de suite demandé de m’acheter un ballon. ‘Je veux faire comme Zidane’, lance-t-elle à sa mère. Elle m’a pris pour une folle, mais m’a toujours soutenue. Elle a toujours cru en moi. Je lui dois presque tout. »
Ni une ni deux, Sidonie part se renseigner, « elle est allée voir le club à côté de ma ville, et m’a inscrite ». Âgée de 5 ans et demi, Viviane s’accroche, « je m’entraînais avec les garçons. Le foot féminin n’était pas du tout connu en France ». Une bien triste réalité qui lui a même fallu quelques réunions parents-profs. « À l’école, quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, moi j’écrivais que je voulais être footballeuse professionnelle. Les professeurs se plaignaient à ma mère en leur disant mais ce n’est pas possible »… Le chien aboie, la caravane passe et Viviane compte aujourd’hui plus de 130 sélections, toutes catégories confondues, avec l’équipe de France, « comme quoi ! », s’exclame-t-elle.
« On se chambre à longueur de journée »
Les Bleues se sont donc envolées pour l’Australie le 8 juillet dernier avec une forte conviction : « gagner la Coupe du monde ». Marquer enfin leur nom au panthéon du football et devenir immortelles. « Avoir l’opportunité de faire une deuxième Coupe du monde, c’était vraiment un immense bonus. Il n’y a rien au-dessus. En plus, l’Australie l’a vraiment bien organisée. On ne voulait pas partir », affirme Viviane. Leur compétition ne démarre certes pas de la meilleure des façons. Un match nul contre la Jamaïque 0-0 « mais pas de quoi s’alarmer », assurait, confiant, Hervé Renard. Devant les caméras, à l’entraînement, en interview, la bonne ambiance régnait. Des sourires, de la complicité mais pas que… « Moi je suis très chambreuse », en rigole Viviane avant de poursuivre avec une ba- nane immense, « mais les autres joueuses aussi », se défend-t-elle.
« On se chambre à longueur de journée. Cela fait partie du truc », comme une grande famille ou des frères et soeurs qui se chamaillent, « c’est surtout notre affection qu’on partage comme ça. » Une Coupe du monde « spéciale » avec une vraie « osmose », entre les joueuses et le staff. Le cocktail marche et la France bat le Brésil dans un match à couteaux tirés. Une victoire 2-1 grâce à Eugénie Le Sommer et Wendie Renard. Utilisée dans un rôle de super sub, Viviane Asseyi tente de tirer son épingle du jeu. Même si elle ne marque pas, elle donne tout, « comme toujours ». Elle va d’ailleurs avoir ses premières minutes face au Panama, « c’était magnifique. La vibe et l’ambiance étaient folles », confie- t-elle avant de poursuivre. « Jouer devant une immense foule de spectateurs, moi j’adore ça. Il y a de la pression c’est sûr, mais une pression tellement positive. »
La loi des tirs au but
Les Australiennes étaient sans doute les adversaires les plus redoutables pour les Françaises depuis le début de la Coupe du monde. Déjà battues en match amical, quelques jours avant le début de la compétition, les Bleues ne voulaient pas re- vivre une nouvelle élimination en quart. Viviane assure aimer les grosses ambiances et elle va être servie. 50 000 spectateurs étaient présents, dont 99 % soutenant évidemment la cause locale. Après une bonne entame, les filles d’Hervé Renard vont, petit à petit s’engouffrer dans le piège australien. 0-0 à la fin du temps additionnel, place aux tirs au but.
Spectatrice depuis le banc des remplaçants de cette séance, Viviane Asseyi voyait sa coéquipière en club, Mackenzie Arnold, briller. Arrêtant les deux derniers penaltys, tirés par Dali et Becho, la portière de West Ham s’élève au rang d’héroïne nationale. Les Françaises elles, rentrent bredouilles, une nouvelle fois. « Le souvenir de se faire éliminer en quart de finale fait mal. Cela a mis du temps à passer. Maintenant, ça va un peu mieux, mais ce n’était pas facile », soupire-t-elle avant de conclure : « Au vu de tout ce qu’il s’est passé, des résultats, des surprises, de l’organisation… c’est pour moi, la meilleure Coupe du monde féminine de l’histoire ».