Peut-on dire, sans réserve, que Paul Morand est génial ? Qu’on adore Jacques Chardonne ? Qu’on relit régulièrement Drieu la Rochelle ? Voire que les pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline sont, malgré tout, de la grande littérature ? Jérôme Garcin remet à plat ces mêmes questions, ces mêmes problématiques, qui n’en finissent pas de travailler le champ littéraire français, à travers un essai où la colère se diffuse à toutes les pages. Et si tenter de séparer l’œuvre et l’écrivain de l’homme, ce n’était pas blanchir l’homme – ou pire, cela ne relevait pas d’un désir d’oublier, frôlant une forme de négationnisme ?
Des mots et des actes est composé d’une série de portraits de ces auteurs antisémites et collaborationnistes pendant la Seconde Guerre mondiale, et de quelques portraits d’écrivains résistants. Jérôme Garcin, plutôt que d’excuser les faiblesses idéologiques des hommes par le talent littéraire les rend au contraire encore plus responsables – et donc criminels – par leur position d’intellectuels, ayant une voix publique à même d’influencer les masses. On croyait tout savoir de ces auteurs, de cette période ; or on en apprend encore. Et on se retrouve une nouvelle fois sidéré·e. Quand les écrivains trahissaient la littérature pour faire de la propagande, appeler au meurtre ou laisser faire en fermant les yeux. Il est plus que nécessaire de se rafraîchir la mémoire.
Des mots et des actes – Les belles-lettres sous l’Occupation de Jérôme Garcin (Gallimard/“La part des autres”), 164 p., 18,50 €. En librairie le 3 octobre.