L’écho est trop frappant pour être anodin : l’affiche de The Outrun de Nora Fingscheidt est un remake de celle de Lady Bird de Greta Gerwig, saisissant le même profil droit de Saoirse Ronan, à la chevelure colorée (hier rouge, aujourd’hui bleue). Depuis Londres jusqu’au folklore des Orcades, archipel sauvage du nord de l’Écosse, l’actrice campe cette fois une jeune femme qui tente de vaincre l’alcoolisme qui la ravage. Une retraite sur ses terres d’enfance où elle se met à la poursuite d’un roi caille, espèce rare et secrète d’oiseau qui n’a plus été aperçue récemment dans cette partie du pays. Lady Bird devient la bird lady.
À la recherche d’un volatile disparu, il y a non seulement cette mission d’abstinence qui s’écrit en filigrane, métaphore filée et balisée d’une chimère inatteignable, mais il y a aussi et surtout la quête d’une sorte de cryptozoologiste pour qui seule une apparition miraculeuse pourrait concrétiser l’accomplissement de sa sobriété.
C’est là que le film touche en plein cœur, par sa mise en scène de l’alcoolisme peint comme un monstre qui renaît de ses cendres à l’infini. Avec la caméra serpentine de la cinéaste, comme secouée par un violent ressac, le récit en mosaïque se construit à partir de flashbacks et de moments pris sur le vif, depuis l’océan des bouteilles de tise dans la capitale anglaise jusqu’aux contes et légendes des Orcades, entre séquences animées et pulsations stroboscopiques.
Et Saoirse Ronan l’exprime avec une intensité douloureuse, comme une enfant déchue que l’on remet une seconde fois au monde pour gagner une nouvelle pureté. Jamais solide sur ses appuis, le film dans son ensemble tient sur cette brèche, chancelant, excessif et broyé de l’intérieur. Dans un pays où les oiseaux se cachent pour vivre, l’euphorie retrouvée sera sobre ou ne sera pas.
The Outrun de Nora Fingscheidt, avecSaoirse Ronan, Paapa Essiedu, Stephen Dillane (G.-B., All., Esp., 2024, 1 h 58). En salle le 2 octobre.