En quatorze ans (une éternité à l’échelle de l’industrie musicale), James Murphy aura eu le temps de prendre sa retraite, d’en faire un film, de coproduire un disque pour Arcade Fire – avec qui il partageait le haut de l’affiche en 2010 lors de la huitième édition de Rock en Seine –, d’ouvrir des cafés (son autre passion) et des bars à vins, de se rabibocher avec sa troupe, de repartir en tournée et d’en sortir un magnifique album de retour, le mélancolique American Dream.
Un itinéraire cahoteux qui lui aura valu quelques railleries pas forcément imméritées, mais qui convoque surtout tout un imaginaire de la musique du XXIe siècle et la préciosité de pouvoir assister one more time à un concert de LCD Soundsystem. Cofondateur du désormais mythique label DFA Records (The Rapture, Hot Chip, Hercules and Love Affair), James Murphy s’était placé, avec ses comparses Nancy Whang ou Pat Mahoney, comme fer de lance d’un renouveau du mouvement dance-punk, accouchant d’une poignée de disques fondateurs, dont l’immense Sound of Silver.
Du haut de ses 54 ans, James Murphy peut se targuer d’une collection de tubes générationnels au long cours qu’il nous tarde d’entendre résonner encore une fois à Rock en Seine : du riff de piano essorant d’All My Friends au crève-cœur de New York, I Love You but You’re Bringing Me Down, en passant par les montées infinies de Get Innocuous! et Someone Great ou notre fierté nationale, Daft Punk Is Playing at My House. Avec sa carrière musicale révélée sur le tard dans la Big Apple des années 2000 (l’un des berceaux du renouveau du rock emmené par The Strokes), ainsi que sa gouaille postmoderne et ironique toute new-yorkaise, il aura incarné, durant une majeure partie de sa carrière, un certain air du temps. Celui de kids diluant leurs aspirations dans la fête, faisant du dancefloor un exutoire aux turpitudes de la vie au XXIe siècle, dansant la tête bien pleine, mais libérés un court instant du monde.
LCD Soundsystem, c’est tout ça et plus encore. C’est surtout le retour d’un grand groupe qui incarne une forme de modernité (comme Talking Heads ou ESG en leur temps), chantre d’une musique aussi dansante que réflexive et, évidemment, d’une irréductible générosité. Glissé dans une tournée d’adieu qui n’en finit pas de se terminer (l’ironique titre de l’album live The Long Goodbye était là pour nous renseigner sur la propension de James Murphy à ne pas savoir faire ses adieux), le concert de LCD Soundsystem promet une émotion au diapason d’un groupe qu’on pourrait ne jamais revoir fouler les terres françaises – ou pas. C’est là toute la beauté de ce grand groupe iconoclaste : sa touchante imprévisibilité.
En concert sur la Grande Scène, le 25 août.