"On a incontestablement affaire à un dossier de violences conjugales mais la réalité est plus complexe qu'on peut l'imaginer." Ce dossier, ainsi introduit par le ministère public, est celui de Patrice Pataud, maire de Saint-Pardoux-Morterolles, entendu jeudi 7 novembre par le tribunal judiciaire de Guéret pour des faits de violences conjugales commis entre 2018 et 2024.
Gifle, injures et propos dégradantsIl y a d'abord ces deux camps et leur version respective qui compliquent l'affaire. D'une part, la victime épaulée par ses deux voisines. En mai dernier, l'épouse du maire leur confie avoir reçu une gifle de Monsieur Pataud et faire régulièrement l'objet de propos dénigrants et injurieux de sa part. Le lendemain, les deux voisines franchissent la porte de la gendarmerie et dénoncent le maire de la commune. La victime est entendue, parle de dépression, d'épuisement psychologique. Elle ajoute avoir "peur de son mari et de son comportement différent quand il est sous l'emprise de l'alcool".
D'autre part, il y a le prévenu, ses quatre enfants et "beaucoup d'amis, collègues et élus qui le décrivent comme quelqu'un de calme, comme un bon père", rapporte l'avocat de la défense. Les bras croisés à la barre, Monsieur Pataud reconnaît avoir "certainement dépassé les limites". Ce soir-là, il s'est mis en colère, sa "main a peut-être effleuré le visage de [sa] femme" en la poussant sur le lit où elle était assise mais, "ce n'était pas intentionnel". Il ne reconnait pas la gifle.
Comment expliquez-vous que vos enfants aient déclaré avoir reçu un appel paniqué de votre part les informant que vous aviez mis une gifle à votre épouse ?
"C'était pour les faire bouger, pour qu'ils m'aident avec leur mère", répond le prévenu. Pourquoi ? La victime s'avère être alcoolique. "Une maladie, un énorme problème survenu il a déjà plusieurs années, à la naissance du 3e enfant", rapporte l'avocat de la défense. Un mal qui semble ici expliquer l'acte du père de famille. Sa main se serait levée "dans un moment d'exaspération". Il aurait trouvé des bouteilles vides dissimulées par sa femme. "Essayer de minimiser les choses, c'est classique, plaide l'avocat de la partie civile. Monsieur nous dit qu'elle avait trop bu mais non, Madame voulait mettre fin à ses jours". Dans le public, la victime essuie une larme discrète. Elle ne tient pas à prendre la parole.
Un stage de sensibilisation aux violences intrafamilialesCe sont toutes ces raisons qui ont poussé le ministère public "à ne pas aborder ce dossier de manière manichéenne. On peut imaginer un vrai dégoût d'une vie conjugale marquée par le mensonge et l'alcool." En 20 ans de vie conjugale, il y a eu de l'amour reconnaissent les époux qui pensent désormais à divorcer. Mais aujourd'hui, "nous avons affaire à un couple qui a dérapé, une relation qui s'est lentement détériorée" conclut le ministère public.
Le maire de Saint-Pardoux-Morterolles est condamné à suivre un stage de sensibilisation aux violences intrafamiliales, à ses frais. S'il ne le réalise pas dans les six mois, il écopera de deux mois de prison. Le prévenu devra aussi verser 500 euros à la victime au titre du préjudice moral.
Camille Moreau