« Ce qui frappe en premier le visiteur et le client qui se rend à l’hypermarché Radar, c’est l’importance extrême de sa superficie et l’importance aussi de ses différentes édifications… » Les mots sont tirés de l’édition du 11 octobre 1972 du journal La Montagne.
La veille, avec l’ouverture de sa nouvelle très grande surface, Lempdes était frappée à son tour par la révolution commerciale en cours. Quelques jours plus tôt, Mammouth ouvrait son deuxième hypermarché à Clermont-Ferrand... à Croix-de-Neyrat. Hasard du calendrier, ils prennent aujourd’hui des chemins opposés : la même semaine, 52 ans plus tard, l’un va entamer une nouvelle vie, quand l’autre est menacé de fermeture.
Allée Lumière et curieux micro-ondesÀ Lempdes, en 1972, les mots du journaliste témoignent de l’attente, de la curiosité, de la découverte que représentaient alors ces très grandes surfaces commerciales. Les superlatifs s’enchaînent, là pour parler de la « hauteur de plafond de sept mètres » et de « l’exceptionnelle largeur des allées intérieures »?; ici pour décrire « l’incroyable importance des articles divers et de choix exposés, au nombre de 48.000 » et parler de « l’allée dite Lumière », un rayon de 150 mètres consacrée aux produits frais.
À la cafétéria de la galerie marchande, composée déjà de 21 magasins, l’homme à la plume s’étonne même d’« un curieux four micro-ondes qui permet au client de réchauffer lui-même, en trois secondes, le plat qui se serait trop vite refroidi. Initiative matérielle heureuse, reconnaissons-le. » Et de conclure : « Plus qu’un hypermarché, Radar est une véritable petite ville commerciale. »
Annie Fratellini, Carlos...La plongée dans ces archives, aussi savoureuse soit-elle, témoigne du tournant pris alors par Lempdes. Le même mois, la commune inaugure son hypermarché, son collège d’enseignement secondaire de 1.300 élèves, son bassin d’hiver à la piscine, sa maison des jeunes, ce qui fait dire à un autre journaliste de La Montagne que « Lempdes, ancienne terre de vignerons, a décidément fort bien su se recycler ».
Des rayons aux laboratoires, l’inauguration de l’hypermarché Radar, à Lempdes, était immortalisée par un photographe de La Montagne en 1972 (photo d'archives).
L’inauguration du Radar restera la plus spectaculaire. À l’époque, les hypermarchés rivalisent d’imagination pour créer l’événement : Mammouth invite Jacques Martin et Dalida à Clermont-Ferrand, Radar répond avec Annie Fratellini, Carlos, Sophie Darel ou encore l’hypnotiseur Dominique Webb, « qui hypnotise même les serpents », dit-on alors.
L’événement prend la forme de quatre jours de fête sous un chapiteau installé sur un vaste parking de 1.500 places. Là aussi une petite révolution : « Faire ses courses en voiture redevient un plaisir à Radar », vante même l’enseigne à grand renfort de publicité. Pub toujours : parce que « Radar a la politesse d’attendre que vous soyiez rentrés de votre travail et vous invite à venir tranquillement chez lui faire vos achats », l’hyper est ouvert jusqu’à 22 heures.
La mort du petit commerceAvec 13.000 m² de surface de vente, sa galerie marchande, son « autocenter », Radar bouleverse totalement le paysage commercial local. Son installation sur des terres alors agricoles est synonyme de création d’un échangeur dédié sur l’ancienne RN 89, aujourd’hui A711. « Ils ont même payé eux-mêmes le giratoire d’accès à l’hyper car la DDE ne voulait pas en faire un aussi grand », raconte Jean-Pierre Georget.
L’ancien maire de la commune (1983-2008) était alors adjoint de Marcel Boubat. « L’arrivée de Radar, c’était une chance pour Lempdes. À l’époque, les communes encaissent la taxe professionnelle donc c’était très intéressant d’un point de vue financier. » D’autant que Radar ne vient pas seul : l’hypermarché est vite rejoint par les meubles Levitan, le Salon du cuir, Atlas…
Des rayons aux laboratoires, l’inauguration de l’hypermarché Radar, à Lempdes, était immortalisée par un photographe de La Montagne en 1972 (photo d'archives).
« Radar, c’est le tournant de la zone commerciale de Lempdes », poursuit Jean-Pierre Georget. Le tournant, aussi, pour le commerce de proximité :
« Oui, ça a été la mort du petit commerce du centre-ville où il y avait un maraîcher, des boulangers, etc. Les épiceries de Pont-du-Château et Dallet ont aussi été touchés, comme les stations-service. On était le cul entre deux chaises : on était content de la taxe professionnelle mais ça signait l’arrêt de mort du petit commerce… Mais c’était dans le vent. Et si Radar ne venait pas à Lempdes, il serait allé ailleurs. »
Cora débarque en 1985Treize ans plus tard, le changement d’enseigne a accéléré encore la dynamique enclenchée. Cora débarque en 1985, et « voit plus grand », raconte celui qui est alors maire de Lempdes.
En mars 1985, l’hypermarché Radar de Lempdes, devenu « Radar Géant » au fil des années, passait sous pavillon Cora.
L’enseigne agrandit la galerie marchande, compte 235 salariés, 40.000 articles en rayon et sert 1.000 repas chaque jour dans sa cafétéria. « Ça a donné de l’oxygène à la commune : avec l’AIA, c’était la plus grosse taxe professionnelle. Et il ne faut pas nier que ça a rendu service aux habitants de Lempdes, étant donné qu’il n’y avait plus de petits commerces… »
La reprise de Radar par Cora est synonyme, à Lempdes, d’agrandissement de la galerie marchande.
Arthur Cesbron