Les violentes inondations dans la région de Valence remettent en lumière la fréquence et l'intensité des catastrophes naturelles dans le bassin méditerranéen. Selon le Giec, en charge d'étudier les effets du réchauffement climatique, ces évènements météorologiques extrêmes pourraient devenir plus fréquents ou plus intenses le long de l'arc méditerrané. Directeur de recherche à l'institut de recherche pour le développement à Montpellier, Yves Tramblay remet en perspective les facteurs de vulnérabilité de cette région.
Qu'est-ce qui s'est passé, sur le plan météorologique, à Valence ?
Il s'est produit un épisode méditerranéen, un phénomène où un orage stationnaire d'une rare intensité, provenant de masses d'air chaud et humide de la mer Méditerranée, a engendré des pluies torrentielles. Les précipitations ont atteint jusqu'à 490 mm dans des zones situées 15 à 20 km en amont de Valence, provoquant des inondations éclair dans toute la partie sud de la ville.
Comment expliquer un bilan humain aussi lourd malgré les prévisions météorologiques ?
Le bilan humain résulte de multiples facteurs : l'aléa naturel de ces précipitations extrêmes, et la vulnérabilité de la région, fortement urbanisée et densément peuplée. Contrairement aux événements passés, où des épisodes similaires avaient causé moins de pertes humaines, ici, les zones inondées étaient à proximité d'habitations et de routes. Les déplacements en voiture, malgré l'alerte météo, ont également aggravé la situation en augmentant le nombre de victimes. Ce n'est pas un seul facteur isolé, mais plutôt la combinaison de tous ces éléments qui a conduit à une telle catastrophe.Une fillette secourue dans la région de Valence. Photo AFP/José JORDAN
Pouvez-vous rappeler ce qu'est un épisode méditerranéen ?
Un épisode méditerranéen survient typiquement entre septembre et novembre, lorsque la Méditerranée, encore chaude, génère une forte évaporation. Cette humidité dans les basses couches de l'atmosphère, poussée par des vents vers les reliefs, se transforme en précipitations intenses dès qu'elle rencontre des montagnes proches de la côte. En France, par exemple, les Cévennes sont souvent touchées par ce type d’épisode. La chaleur accrue de la mer amplifie l'évaporation, et plus l'humidité de l'air est élevée, plus les épisodes deviennent intenses.
Ces épisodes méditerranéens vont-ils devenir plus intenses à l'avenir ?
Oui, malheureusement. Les scénarios climatiques montrent que la température de la Méditerranée continue de s’élever, tout comme celle de l’air. Avec cette augmentation, le potentiel de précipitations extrêmes est plus fort, et plusieurs études indiquent que ces épisodes pourraient devenir non seulement plus fréquents, mais aussi plus dévastateurs.
Les villes du sud de la France sont-elles également exposées ?
Absolument, des villes comme Perpignan, Narbonne, ou même Montpellier pourraient subir des inondations similaires. Nous avons déjà vu des exemples d’épisodes comparables (NDLR, en 2002, des inondations, dues à des pluies exceptionnelles sur les Cévennes, font 24 morts dans le Sud-Est ; en septembre 2020, bien que bref et peu étendu, un épisode cévenol a provoqué des pluies torrentielles dans les Cévennes avec plus de 700 mm de pluie, provoquant deux morts). Si ces phénomènes se produisent à proximité de grandes villes, les conséquences peuvent être aussi importantes, voire pires.
Existe-t-il des zones particulièrement vulnérables en Méditerranée ?
La côte méditerranéenne, de la Catalogne à Valence, les Cévennes, et le littoral du Gard et de l’Hérault figurent parmi les zones les plus exposées. Dans les Cévennes, par exemple, les records de pluie atteignent les 900 mm en un seul épisode. Ces territoires, par leur proximité avec la mer et leurs reliefs escarpés, concentrent des cumuls de précipitations très élevés.
Pourquoi cette région est-elle si vulnérable aux inondations ?
La configuration géographique de la Méditerranée, avec une mer chaude, une plaine côtière étroite et des reliefs proches, favorise ces phénomènes intenses. La vulnérabilité s’amplifie dans les zones fortement urbanisées, où les surfaces imperméables empêchent l’infiltration de l'eau et accélèrent le ruissellement, aggravant les inondations. Lorsque des précipitations intenses se produisent dans de telles zones, les risques d'inondation et de dégâts matériels et humains augmentent considérablement.
La température élevée de la Méditerranée a-t-elle contribué à ce phénomène ?
Oui, c'est ce que l'on appelle le "carburant" de ces épisodes. La mer chaude provoque une forte évaporation, augmentant l'humidité des basses couches de l’atmosphère. Plus l'eau est présente dans l’air, plus les risques de précipitations intenses sont élevés dès que cet air rencontre un relief.
Quels sont les moyens de mieux anticiper ces risques ?
La première étape est d'améliorer la prévision météorologique. Pour Valence, l'épisode avait bien été anticipé, mais la quantité exacte de précipitations restait difficile à estimer. Ensuite, il faut préparer les populations à réagir correctement, en diffusant des alertes efficaces et en sensibilisant aux mesures de sécurité, comme éviter de circuler en voiture.
Recueillis par Nicolas Faucon