Elles font la taille d’un pépin de pomme, ne sautent pas, ne volent pas, mais leur présence peut, avec le temps, faire de votre vie un enfer. À tel point qu’elles font désormais l’objet d’un site officiel de l’administration française pour lutter contre leur infestation. " Elles ", ce sont les punaises de lit. Et si elles ont particulièrement fait parler d’elles à l’approche des JO de Paris 2024, elles restent plus que jamais d’actualité, à Paris comme en Province. Le site du ministère de l’Écologie rappelle : " Si les punaises de lit avaient disparu dans les années 50 en France, la recrudescence de ces insectes sur le territoire national est une réalité. En cause : les voyages internationaux et le développement des résistances aux insecticides. "
Les punaises de lit. Insecte cryptique, la punaise de lit a besoin de se cacher. Elle ne vole pas et ne saute pas. Elle peut se trouver dans les interstices, les coins de meubles, les plis de matelas… Des endroits sombres, étroits et peu accessibles. " En général, elles arrivent par un moyen de transport, notamment les bagages et les vêtements… Généralement, le premier endroit où elles se trouvent, c’est le lit. Elles se cantonnent près de leur hôte et viennent se nourrir de son sang quand celui-ci ne bouge pas. On peut repérer leur présence par des concentrations de leurs déjections (des petits points noirs) près de l’endroit où elles dorment ", précise Philippe de la Rochette.
Un insecte méconnuLeur apparente célébrité n’empêche pas ces parasites d’être encore méconnus, comme l’explique Philippe de la Rochette, habitant de Lamothe qui a créé, en mai 2024, son entreprise Inspector Medor. Son crédo ? En binôme avec son chien Uyak, un cocker spaniel anglais, il propose de la détection canine de punaises de lit. Et ce, après avoir lui-même eu des problèmes avec cet encombrant insecte. " Je suis originaire de Brioude, mais j’ai fait ma carrière à Paris dans l’hôtellerie. Quand il y a des punaises de lit dans un hôtel, cela peut se répandre… On a vite l’angoisse qu’un client arrive le matin en disant qu’il s’est fait piquer. "Uyak s'immobilise après avoir identifié la présence de punaises.Dans ce contexte hôtelier, il a dû faire face à une infestation importante. " J’étais directeur. On a dû traiter tous les étages de l’hôtel. Et même des endroits où il n’y en avait pas besoin. Traiter un hôtel complet, ce n’est pas écologique. Et cela demande un gros budget… " Sans compter que des traitements répétés sont nécessaires, " car comme le cafard, c’est un insecte à mutation rapide… "Venaient ensuite les questions des débuts d’infestations ou des doutes.
L’idée était de trouver un moyen d’anticiper, pour trouver plus rapidement l’endroit de l’infestation et pouvoir cibler le traitement.
Et en diminuer le coût et l’impact. Philippe de la Rochette a alors fait des recherches. "À l’époque, j’ai regardé sur le Net et j’ai vu qu’aux États-unis et au Canada, il y avait des chiens détecteurs. J’ai ensuite cherché en France pour finir par trouver les premiers à faire ça sur la région parisienne. Et à partir de là, j’y ai eu régulièrement recours. "
Le temps passe. Philippe de la Rochette avance dans sa carrière, passe de directeur d’hôtel à directeur d’exploitation et décide de développer son activité en parallèle, pour essayer de revenir dans son Brivadois natal. L’idée lui vient de se pencher sur la détection canine. " Je me suis dit qu’il y en avait peu sur la zone. À Paris, cela explose, beaucoup de gens se sont mis là-dedans. Mais ici, cela reste encore une profession pas très connue. "Un tube hermétiquement scellé contenant des punaises de lit pour entraîner les chiens spécialisés dans la détection.Mais on ne devient pas détecteur canin du jour au lendemain. " Je me suis formé en mars et avril 2024, dans un centre spécialisé dans les Landes. Il y a d’abord un entretien avec le formateur, on lui dit où on voudrait exercer. Je lui ai glissé que je voulais travailler avec un chien de petite taille. Le chien est fourni lors de la formation. Il est en partie dressé, mais le dressage se termine avec son nouveau maître. Au bout d’une semaine, on l’emmène quinze jours, pour qu’on puisse se connaître. Puis, on retourne terminer la formation. Il y a une partie théorique sur la vie des punaises, on apprend à conduire son chien, le faire obéir, le nourrir, le faire voyager… Et bien sûr, comment lui faire exécuter le travail. "
Il faut savoir lire son animal. Ils peuvent en effet mentir ; ce sont des chiens qui marchent à la récompense : nourriture ou jeu. Uyak lui, répond au jeu
Son chien cherche en effet les punaises pour pouvoir obtenir sa balle.Et la détection des punaises de lit n’étant pas un dressage acquis, le maître entraîne régulièrement son chien lors de séances hebdomadaires de 15 à 20 minutes. Pour ce faire, il dispose de petits tubes scellés, dans lesquels sont enfermées des punaises de lit, destinés à être cachés. " Il faut avoir les bons gestes pour bien orienter le chien. Il faut le suivre, le faire repasser là où il n’est pas allé. Il faut faire des allers-retours. " Quand il trouve, le chien s’arrête net et marque l’emplacement. Là, vient alors la récompense. Et lors de détections, Philippe de la Rochette réalise des prélèvements de punaises pour pouvoir multiplier les souches servant à l’entraînement de son chien.
Un travail d’équipeEt dans le cas où il n’y a pas de punaises de lit ? " Là, on prévient le client et on cache un tube d’entraînement pour qu’il puisse avoir sa récompense. "Tout en conservant une activité dans l’hôtellerie, Philippe de la Rochette assure désormais des détections avec Uyak, à Paris et en Auvergne. " Mais je ne fais pas de traitement, pour rester impartial. " Et il insiste sur le fait qu’il s’agit bien d’un binôme : " Je regarde attentivement la pièce avant de faire passer le chien. Si je vois des traces, notamment des excréments de punaises, le chien doit confirmer ma piste. Et si je ne vois rien et que lui identifie quelque chose, je vais vérifier de manière plus approfondie. Il faut que l’on trouve tous les deux. "
Bataille. Pour éviter les infestations de punaises de lit, Philippe de la Rochette conseille de ranger, aspirer et traiter à la vapeur. Et si jamais la présence se développe, il reste le traitement chimique. Dans le cas d’un contact avec des punaises de lit lors d’un séjour, il conseille de laver les vêtements à 60° si possible ou de les passer au congélateur au moins 72 heures. " Un désinsectiseur ne peut y arriver seul si les gens ne s’y mettent pas à fond. "
Pierre Hébrard
