1. Quelle est votre mesure forte pour le rugby amateur ?
Florian Grill : « Notre priorité, c'est la relance du rugby par la base. 50 % des joueurs des équipes de France viennent de villes de moins de 15.000 habitants. On voit bien que si le rugby se concentre sur les grandes villes, on tue les performances du rugby. Cela passe donc par une amélioration des installations, un meilleur maillage du territoire, mettre plus de moyens sur le local dans les ligues et les comités et remettre le rugby à l’école. Pour parvenir à tout cela, je vais extraire deux mesures concrètes. Dans le cadre du nouveau partenariat d’assurance, nous avons mis la responsabilité civile gratuite pour tous les bénévoles du rugby français. Jusqu’ici, 48.000 bénévoles n’étaient pas couverts. Désormais, ils sont automatiquement couverts par la responsabilité civile de la FFR. Nous avons également lancé un plan Marshall sur les installations des clubs. Il y aura 20 millions d’euros disponibles qui vont bénéficier à 250 clubs. »
Didier Codorniou : « Depuis vingt-cinq ans et l’arrivée du rugby professionnel, il y a une baisse vertigineuse du nombre d’équipes à XV. De 1.800, on est passé à 1.100. Il faut restabiliser, travailler les fondamentaux. Il faut reconsolider le socle. Ça passe par les infrastructures. Il y a 3.450 terrains en France, 20 % ont été construits après 1995, donc 80 % sont vieillissants. Il faut refaire des terrains, refaire des tribunes, refaire des vestiaires. Ça passe par les moyens. 13 millions sont consacrés au rugby amateur. On veut aller plus loin. Dernièrement, 3 millions ont été versés aux ligues qui n’en ont pas besoin. On les mettrait au rugby amateur pour les indemnités de formation, pour les frais kilométriques. Il y a des territoires ruraux où les déplacements coûtent très cher. Et, sur les équipements, j’ai travaillé pour la société Adidas, qui est un nouvel équipementier, il faut arriver à avoir un à deux jeux par équipe amateur. Il faut aussi décentraliser. Les comités départementaux ont très peu de moyens et c’est là que le bât blesse. »
2. Quel plan de relance économique imaginez-vous pour la Fédération ?
Florian Grill : « Je suis quelqu’un de centimier. Le plan de relance, c’est avant tout de faire des économies. À titre d’exemple, j’ai supprimé les cartes bancaires pour tous les élus. Nous avons coupé dans les invitations et on a, de fait, 2,7 millions de revenus supplémentaires sur la billetterie. Nous concentrons les stages de l’équipe de France à Marcoussis, car c’est un outil que l’on paye. Nous passons en revue tous nos fournisseurs en essayant de revoir les prestations à la baisse. Mais il y a aussi la partie produits. Nous sommes en pleine négociation sur les revenus des Six Nations. La France contribue à 26 % et ne touche actuellement que 16 % des revenus. Alors que les Anglais ont 31 %. C’est le contrat dont nous avons hérité. Nous voulons redresser la barre en trois ans. »
Didier Codorniou : « Déjà, on stabilise les partenaires. On ne fait pas partir GMF ou Orange, des partenaires historiques. Ensuite, on essaye d’aller en chercher d’autres, en positivant. On ne peut pas faire venir des partenaires en disant que la Fédération est en faillite. En fait, la FFR n’est pas en faillite. Il y a des fonds propres, de la trésorerie, des actifs immobiliers qui sont payés. Il y a 68 millions de trésorerie et 50 millions de fonds propres. Ensuite, on essaye d’aller chercher l’argent là où il est. Notamment sur mon plan Marshall des infrastructures, d’aller frapper à la porte de l’État, des collectivités et d’aider les communes propriétaires des infrastructures avec des clés de répartition. Je suis très optimiste. Si on est élu, en 2024, on sera à l’équilibre. »
3. Quelle doit être selon vous la priorité du XV de France sur le cycle à venir ?Florian Grill : « C’est formidable de représenter son pays. Mais cela donne des droits et surtout des responsabilités. Et il est important d’associer le sens et la performance. Car celle-ci est indissociable de l’hygiène de vie. On ne peut pas performer s’il y a des dérapages qui impactent la santé du rugby. Un nouveau plan de performance va prévoir des contrôles et des sanctions en plus de la sensibilisation. Cela ira de la sanction financière jusqu’à l’exclusion de l’équipe de France. Fabien Galthié est déterminé à poser la question de confiance à ses joueurs et à son staff. Quand on porte le coq, on a des responsabilités vis-à-vis des 350.000 licenciés, des bénévoles, mais aussi des partenaires. Ce sont eux qui permettent de payer les joueurs. Il va falloir que l’on redonne du sens à tout ça. Le volet régénération nous semble également important. On a beaucoup travaillé avec la LNR. Il faut des programmes personnalisés qui prévoient des plages de régénération. »
Didier Codorniou : « L’image de l’équipe de France est très abîmée avec les affaires en Argentine et le drame en Afrique du Sud. Il faut remettre de l’ordre. Sur la gouvernance, il faut que le président soit plus dur et intransigeant sur l’exemplarité. On ne peut pas se comporter de cette sorte en montrant derrière, que l’on passe toutes les dérives. Il faut qu’il y ait des sanctions, graduelles. Je ne peux pas tolérer ce qui s’est passé en Argentine. Il faut sanctionner les joueurs. J’attends que la justice se prononce, mais les joueurs qui rentrent à 4 heures ou 5 heures du matin et qui jouent avec le maillot frappé du coq doivent être sanctionnés. Il faut des modules, de la préparation, des gens formés sur les us et coutumes locaux quand on est en déplacement… Il y a une charte qui existe, la rappeler. J’ai été manager des moins de 20 ans, j’ai été en Argentine : on peut être bienveillant et en même temps intransigeant. Je veux mettre ça en place avec un chef de délégation, un directeur de tournée et un vice-président de la Fédération. Les trois postes clés. »
Propos recueillis par Arnaud Clergue et Mathieu Brosseau