"Si on m’avait dit que je deviendrais maire à 20 ans, encore, j’aurais pu le croire. Mais père à 22 ans, j’aurais rigolé." Matéo Morel n’a visiblement pas de temps à perdre. En accédant, le 23 mai 2020, au mandat de maire de Limons avec plus de 72 % des voix, il devient l’un des plus jeunes maires de France. Deux ans plus tard naît son premier enfant, un fils, qui sera bientôt grand frère.
"Je me suis toujours senti plus mature au cours de ma scolarité, retrace l’édile. J’étais plutôt ami avec des filles, car je préférais leurs sujets de conversation à ceux des garçons. Et je me suis intéressé très tôt à la politique par mes parents et par mon grand-père, tous trois adhérents au Parti Communiste."
Mouiller le maillotDès le lycée, le fils d’ouvriers s’investit en tant que vice-président des élèves au conseil de la vie lycéenne, et membre de la maison des lycéens. Il s’insurge avec ses camarades contre la réforme du bac. Mais n’allez pas vous imaginer un jeune homme un peu hautain, en costard cravate au lycée, "tout seul dans la cour de récré".
"Je n’étais pas Charles dans Neuilly sa mère, s’amuse Matéo Morel. Je faisais plutôt de cette passion une force en l’assumant totalement. Et je faisais aussi des choses de mon âge, sortais en soirée comme tout le monde. Seulement, le samedi matin, je me levais à neuf heures pour assister à une réunion politique au lieu de faire la grasse matinée."
Dès sa prime jeunesse, le petit Limonois montre des prédispositions au leadership socialiste. Passionné par les fêtes de fin d’année, il rêve d’exercer le métier de père Noël - "ça doit être mon côté de gauche" - visant ainsi dès l’enfance le plus haut grade de la microsociété lapone. En grandissant, ses fictions de référence perdent de leur charme, quittant l’univers enchanté du Pôle Nord pour le monde impitoyable des séries politiques américaines. "J’adorais la politique politicienne. Je me passionnais pour House of Cards, Baron Noir…" Un temps aujourd’hui révolu.
En réalité, les gens attendent des actes, pas des débats télévisés. Dans une petite commune, si on commence à faire de la politique, on n’est pas rendus.
Entre deux rendez-vous, il lui arrive d’ailleurs de troquer l’écharpe tricolore pour la charlotte de cantinier ou la casquette d’animateur périscolaire afin de pallier l’absence de l’un de ses agents. "Un remplacement de courte durée coûte cher et le recrutement est très compliqué, donc on va au charbon", sourit le jeune homme, qui a travaillé en tant qu’animateur enfant jeunesse dans l’une de ses nombreuses vies antérieures. Il fut aussi un temps étudiant en histoire. Temps rapidement écourté, puisque "rester assis sur une chaise toute la journée, ce n’était pas pour moi, je voulais être dans l’action".
En 2019, le jeune Matéo Morel frappe donc à la porte de Christian Dessaptlarose. L’ancien maire de Limons s’apprête à passer la main et le jeune homme mûrit la décision de lui succéder. "Je voulais le rencontrer avant de me lancer, car j’avais un peu peur de passer pour un con à cause de mon âge", plaisante-t-il à demi. Son aîné le prévient : la fonction est prenante et s’apprend en grande partie sur le tas. Cinq ans plus tard, la réalité rattrape les prédictions.
"C’est du 24 heures sur 24, je pars trop peu en vacances", admet le jeune édile qui a peu à peu découvert les réalités de la fonction. "J’étais un peu naïf, je pensais faire de la politique sociale. Et je me retrouve à avoir un avis très tranché sur la question des gens du voyage par exemple." Comprenez : il freine des quatre fers devant la très hypothétique installation d’une aire d’accueil sur sa commune. Malgré tout, Matéo Morel ne nourrit aucuns regrets.
En tant que maire, on a une réelle maîtrise de l’action sur notre commune, et un champ d’action énorme. Je m’éclate et je me sens utile.
Adieu LFI, bonjour RuffinSon objectif : dynamiser le territoire - "on ne veut pas que notre commune devienne une commune dortoir" - en soutenant les écoles, en aidant le commerce et en encourageant les associations à agir ensemble pour organiser de plus larges manifestations. Autant d’actions mises en avant sur les réseaux sociaux de la Ville, ou dans le bulletin municipal. "La communication, c’est hyper important, souligne le jeune homme qui a grandi avec Snapchat et Instagram. Ça permet de voir que la commune bouge." C’est aussi une passion du jeune Limonois, qui a lancé son entreprise de communication en janvier 2023. "Je travaille beaucoup pour d’autres mairies, et pour quelques entreprises privées", explique-t-il. Un complément de revenu qui s’ajoute aux 1.656 euros brut touchés par tout maire d’une commune de 500 à 999 habitants.
Le 10 juillet dernier, Matéo Morel annonce publiquement sa décision de quitter La France Insoumise, qui "devient aujourd’hui un mouvement repoussoir pour beaucoup des habitants des milieux ruraux", écrit-il sur Instagram. Et qui serait la cause, selon lui, des messages de haine qu’il reçoit depuis plusieurs années. "En 2021, on a tagué mon mur en inscrivant 'crève' et des croix gammées. En 2022, on m’a menacé moi et mon fils de mort. Aux dernières européennes, quelqu’un a carrément glissé dans l’urne un bulletin qui s’en prenait à mon fils", déplore le maire qui suppose que ces menaces sont le fait d’une seule et même personne. "Je pense que c’est lié à mon lien avec LFI. Il y a une détestation de ce parti qui commence à ressembler à la détestation du FN en son temps."
Fan dans ses plus jeunes années, Matéo Morel a toujours une photo de lui avec Jean-Luc Mélenchon dans son bureau. Mais "cachée", sourit-il. Le jeune élu est désormais référent du mouvement Gagner avec Ruffin dans le Puy-de-Dôme, déclinaison locale d’un mouvement visant à diffuser les idées politiques du député de la Somme dans le département. Amoureux de la fonction, le père universel de Limons - "je suis très sollicité même si je n’ai pas toujours la réponse aux questions que l’on me pose : le maire incarne un peu un modèle patriarcal de la commune" - compte bien briguer un second mandat. Mais pour cette fin d’année 2024, priorité à sa propre famille, puisque le futur papa s’apprête à partir en congé paternité.
Louise Llavori