Le séisme qui agite les origines de Thiers n’en finit plus d’ébranler les connaissances. Depuis deux ans, les sondages archéologiques ouverts sur le site des Millières ont révélé la présence d’une forteresse gallo-romaine, plus exactement mérovingienne, datée entre le Ve et le VIIe siècle.
Sur cet éperon qui domine la vallée de la Durolle, au-dessus du Bout du monde, végétaient des ruines d’où était née une légende de château médiéval. Dès les premières recherches menées par Damien Martinez, au printemps 2023, ces ruines se révélaient être celles d’un "castrum" beaucoup plus ancien que la légende populaire avait pu laisser penser. L’origine de Thiers, qui était imaginée au Moutier, dans le bas de la ville, d’après les textes de Grégoire de Tours, est depuis resituée aux Millières, sur ce flanc de montagnes baptisées "Les Margerides".
Tous nos articles sur les Millières sont à retrouver ici
Mais le rapport rendu fin 2023 par les chercheurs conserve une autre information, que Damien Martinez décrypte.
Parmi le millier de tessons de céramique retrouvés en 2023, confirmant une datation du site entre le Ve et le VIIe siècles, vous en avez identifié de plus anciens ?
Dans tous les tessons de céramique qu’on a découverts, il y a une grosse majorité du Ve, VIe et VIe siècles. Effectivement, sans trop de surprises, une vingtaine de fragments datent plutôt de la période gauloise : fin IIIe - début IIe avant Jésus-Christ. Après les sondages effectués cette année, au printemps 2024, il y en a probablement plus, mais l’étude n’est pas encore terminée. Les résultats sont attendus dans le courant de l’automne.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Ces tessons nous amènent en pleine période gauloise, bien avant la conquête romaine. Il faut être prudent : en l’état, on n’a rien pour dire qu’il y a eu une occupation, une fortification. Mais en tout cas, c’était un lieu fréquenté à cette période. Ces céramiques ne sont pas arrivées là-haut toutes seules. Il faudra voir ce qui va sortir de l’étude cette année.
Pourquoi qualifiez-vous cette découverte de "sans surprise" ?
Les points hauts comme celui-là, les éperons, sont des lieux privilégiés de la période gauloise, de la protohistoire. Sur presque tous les sites sur lesquels je travaille (Damien Martinez est spécialisé dans la recherche sur ces "castrums", ndlr), il y a une occupation antérieure à la conquête romaine. Le seul site où ce n’est pas le cas, c’est à La Couronne (à Molles, dans l’Allier). Et là-bas, l’occupation gauloise est sur le plateau d’en face.
Quel est votre sentiment en tant qu’archéologue ?
Je suis convaincu qu’il y a eu un site gaulois. De bons indices laissent penser qu’il y a eu une occupation gauloise à Thiers et pas une simple fréquentation. Encore faut-il le démontrer. Les faits pour l’instant sont à prendre pour ce qu’ils sont.
La datation de ces céramiques a été réalisée a posteriori par la céramologue Sandra Chabert. Aviez-vous vu, au moment des fouilles, que ces tessons étaient plus anciens que les autres ?
J’avais vu que certains fragments sortaient du lot, mais je n’arrivais pas à savoir s’ils relevaient de cette période gauloise ou à l’inverse, du Moyen Âge plus tardif, car parfois des éléments de ces deux époques peuvent se ressembler. Ceux qu’on a retrouvés sont de couleur grise et l’un d’entre eux a comme des traces de peigne.
Allez-vous vous pencher sur cette période antérieure lors de la suite des recherches ?
Bien sûr. Si on doit lancer une fouille, il faudra associer un spécialiste de cette période.
Propos recueillis par Alice Chevrier