De l’automne 2023 à l’automne 2024, il y aura eu de l’eau, de l’eau, de l’eau. Jusqu’à plus soif. De mémoire de vigneron, rarement le vignoble de Saint-Pourçain n’aura été autant arrosé. De la pluie plus que de raison pour le raisin qui donne le vin ? En règle générale, ce genre d’aléa ne débouche pas sur d’inoubliables millésimes.Au regard des premières estimations, Laurent Amy confirme d’ailleurs, sans surprise, que les rendements ont été impactés par les ondées qui ont abondamment dégringolé du ciel depuis douze mois.
Le verre à moitié pleinMais le président du syndicat des viticulteurs préfère voir le verre de saint-pourçain à moitié plein. Car du côté de la qualité, un constat surnage : « Elle est très correcte. De ce côté-là, on s’en sort vraiment bien par rapport à une année qui, climatiquement, a été franchement compliquée. Globalement, les degrés alcooliques sont satisfaisants. L’état sanitaire est bon, lui aussi, même s’il y a quelques foyers de pourriture sur le chardonnay ».Une quantité plutôt en berne. Mais une qualité qui hisse le drapeau. À Montord, c’est le constat que confirme Quentin Billaud sur sa propriété de 26 hectares. Alors, forcément, ce jeune coopérateur de la cave de l’union des vignerons de Saint-Pourçain dresse un état des lieux mi-figue mi-raisin. Son pinot noir ? « On est autour de vingt-cinq hectolitres à l’hectare. C’est environ la moitié des rendements classiques de l’appellation. Par contre, malgré l’année pluvieuse et froide que nous venons de traverser, on a une qualité vraiment très bonne. On a ramassé du pinot qui allait jusqu’à 13,8 degrés ».Et son chardonnay ?
Pareil ! Les rendements ne sont pas élevés. Environ 30 hectolitres. Mais la qualité est très présente, avec une bonne maturité et des degrés assez hauts, autour de 12,5 ou 13 degrés
Mais ça ne le console pas tout à fait. Car pour mettre du beurre dans les épinards, il faut quand même pas mal de pinard sur la ligne d’arrivée : « On est forcément déçu d’avoir une petite récolte, soupire-t-il. Du coup, financièrement, ça va être un peu plus difficile. Heureusement que 2022 et 2023 avaient été de bonnes années, avec environ 50 hectolitres de moyenne ».Chez Christophe Courtinat, la vendangeuse besogne dans les rangs depuis maintenant trois jours (*). Ce vigneron indépendant de Saulcet observe, lui aussi, « de faibles rendements ».
Malgré tout, il pousse un petit « ouf » de soulagement en estimant avoir échappé au pire :
Par rapport à la météo catastrophique, on a minimisé la casse. On n’est pas sur des rendements alarmants qui ne me permettraient pas de boucler les fins de mois. Sur le pinot et le chardonnay, je suis sur une petite trentaine d’hectolitres en moyenne. Mais je ferai peut-être un peu plus, entre trente-cinq et quarante, sur le gamay et sur le tressallier.
Quoi qu’il arrive, pour lui, l’essentiel est sauf : « On a la qualité ! Moi, c’est plutôt ce que je vise en priorité ». De quoi moissonner son habituelle récolte de médailles lors du concours des vins organisé dans le cadre du Salon de l’agriculture de Paris ? « On va tout faire pour ! »
Pas né de la dernière pluieCette année, dans la capitale, Christophe Courtinat a enrichi son palmarès avec du bronze en rosé, de l’argent en rouge et de l’or en blanc : « J’en demande pas plus !, rigole-t-il.
Surtout que rien n’est facile, la concurrence est rude avec l’arrivée d’une nouvelle génération qui travaille très bien ». Christophe Courtinat considère sans ambiguïté que le vignoble de Saint-Pourçain est sur une ligne ascendante depuis plusieurs années :
Tout le monde progresse. Depuis le travail dans la vigne jusqu’à la vinification, on s’est tous améliorés. Mais, après, il y a évidemment les conditions climatiques qui nous aident ou pas. Cette année, la météo nous a moins aidés… Alors on a dû aider un peu plus la nature en travaillant davantage dans la vigne.
De quoi sera fait demain ? L’avenir à moyen et long termes ? Impossible de le prédire. Personne ne se risque à lire dans le marc de café.
Mais pas besoin d’être grand devin pour savoir qu’à Saint-Pourçain, comme dans tous les vignobles de France et de Navarre, le futur du vin dépendra du bon vouloir du climat : « On travaille avec du vivant, on sait que tout ne peut pas être tout beau tous les ans, relativise Quentin Billaud, le jeune coopérateur. Mais c’est quand même légèrement inquiétant. On voit bien que les temps changent. J’ai toujours entendu dire mes grands-parents qu’il n’y avait qu’une mauvaise année tous les dix ans… Moi, je me suis installé en 2018 et, en six ans, j’en ai déjà connu deux ». Mais il garde bon espoir. Car le saint-pourçain n’est pas né de la dernière pluie :
Dans la viticulture, ici, on a toujours su évoluer et s’adapter. Alors, il n’y a aucune raison que, nous, la nouvelle génération, on ne parvienne pas à faire aussi bien, voire mieux.
Après de gros nuages gorgés d’eau durant toute l’année, une vision ensoleillée de l’avenir ne peut pas faire de mal au moral.
(*) Le reportage a été réalisé le 30 septembre.