Il a produit des fausses factures pour des transports fictifs, a surfacturé, a triché sur les différents tarifs conventionnés avec l’Assurance maladie, a fourni des prescriptions périmées ou établies le jour même. Un chauffeur de taxi de l’arrondissement de Moulins a fraudé la « Sécu » sur des trajets de transport médical, sur trois ans, du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2023. Le Bourbonnais a été condamné par le tribunal correctionnel de Moulins, mercredi 2 octobre, à rembourser les 96.347,63 € détournés à la CPAM de l’Allier. Il écope également de dix-huit mois de prison avec sursis et un de ses véhicules (de luxe) a été confisqué.
L’homme était également poursuivi pour avoir fraudé la CPAM de la Nièvre, pour un montant d’un peu plus de 23.000 €, mais la caisse ne s’est pas constituée partie civile.Le prévenu de 57 ans a tout reconnu, face au travail minutieux d’enquête des agents de l’Assurance maladie qui ont par exemple « interrogé les établissements où il était censé chercher les patients et où il était censé les ramener ». 60 factures identiques, 440 manquements concernant 59 patients… La liste est longue. Un ensemble de preuves qui « démontre l’intention frauduleuse ».
« J’avais des problèmes de financement »Oui, il a fraudé. « J’avais des problèmes de financement, j’avais acheté un taxi onéreux qui est tombé en panne. Il a fallu que je paie le financement et ça fait trois ans qu’il est au garage », a-t-il expliqué. « Mais je n’avais pas l’intention de continuer. Et puis l’engrenage, la spirale. Ça fait 20 ans que j’exerce cette profession et que je travaille avec la CPAM, dont plus de dix-sept ans sans frauder. Mon travail suffisait alors à subvenir à mes besoins ».
La procureure fait la moue, l’explication n’est « pas satisfaisante » : « Le montant de l’escroquerie, c’est 30 % de votre activité. Il vous restait deux tiers de vos revenus ! La situation était tendue mais pas catastrophique. L’explication, c’est surtout la facilité ».
L’une des juges enfonce le clou : « Trois ans c’est énorme ! Et si vous n’aviez pas été repéré, vous auriez continué ? » Question rhétorique au « joueur de poker », qui ne s’arrête pas tant qu’il ne se prend pas un mur.
DéconventionnéAujourd’hui, le chauffeur de taxi s’en « mord les doigts » : depuis août 2023 et jusqu’à décembre 2024, la procédure lui vaut un « déconventionnement d’office ». Il n’a plus le droit d’effectuer des transports médicaux pour le moment, alors que « le transport médical conventionné, c’est 60 à 70 % du chiffre d’affaires ». Pourra-t-il être reconventionné à l’avenir alors qu’il est condamné au pénal ? Ce n’est pas au tribunal correctionnel de décider, mais à la CPAM.Ce procès a forcément une odeur spéciale alors qu’on ne cesse de parler des finances publiques au plus bas : « Ce n’est pas n’importe qui que vous escroquez, monsieur. L’Assurance Maladie, c’est nous tous ».
« Il savait comment réussir son coup »L’avocat de l’institution, Me Raynaud, souligne à son tour : « Chaque euro détourné, c’est un euro de moins pour les patients. L’enquête montre un modus operandi. C’était facile pour lui, il savait exactement comment réussir son coup ». Pour le travail minutieux effectué pour ce dossier technique, Me Raynaud réclame en sus 5.000 € au titre des frais d’avocats. Le tribunal lui accorde 2.500 €, somme que devra payer le prévenu en plus des frais fixes de procédures, 127 €. Et bien sûr le remboursement de la somme détournée. Bien qu’il l’ait mise en vente précédemment sans succès, le prévenu comptait sur la voiture saisie « pour rembourser », mais elle a été confisquée.
Mathilde Duchatelle
Comment les fraudeurs à l'Assurance maladie sont traqués dans l'Allier