Mardi 1er octobre, 11 heures. La salle d’attente du centre Médic soins est pleine. Ce matin-là, les docteurs François Brochet et Mohamed Gaid enchaînent les consultations, comme ils le font avec trois autres confrères depuis l’ouverture du centre.
Pour les cinq médecins retraités qui officient à Médic soins, rien d’étonnant au vu de la pénurie de généralistes dans le bassin de Montluçon.
«L’arrêt d’Avicenne [l’ancien cabinet présent sur site, NDLR.] était prévu depuis novembre. Ils avaient envoyé une lettre recommandée à l’hôpital. À partir de ce moment-là, on s’est dit qu’il fallait agir. On a contacté nos médecins retraités pour trouver une solution vu les besoins sur le bassin »
« Certains ont arrêté en cours de route. Actuellement, nous sommes cinq médecins à Médic soins », renchérit le docteur François Brochet.
Des plannings très vite remplisAvec les docteurs Nacer Dijlali, Mohamed Gaid, Philippe Delaume et Laurence Lemaire, il travaille par tranche de demi-journée.
Depuis son ouverture le lundi 8 avril, le centre de consultation, installé dans le centre hospitalier, vers l’entrée sud, à la place du centre Avicenne, ne désemplit pas. « Les gens doivent prendre rendez-vous sur Doctolib pour venir mais les plages horaires mises à disposition par l’hôpital sont rapidement complètes », constate François Brochet.
En plus des consultations pour des pathologies, les médecins doivent s'occuper de dossiers administratifs.
Des pathologies plus lourdesSi le volume de patients n’étonne pas les cinq médecins, ce qui les inquiète, c’est leur état de santé. Certaines personnes n’ont souvent pas vu de professionnels de santé depuis longtemps. « J’ai reçu une dame de 87 ans qui n’avait pas vu de médecin depuis quatre ans ! », s’alarme Laurence Lemaire.
« Les gens sont résignés. On voit des personnes qui coupent les comprimés en quatre pour faire durer une boîte de médicament plus longtemps. Quand ils arrivent, les pathologies sont plus lourdes, les dossiers administratifs ne sont pas faits. Les consultations durent forcément plus longtemps. Les gens ont accumulé des choses et on en découvre parfois d’autres. On est arrivé à un stade où l’on voit des pertes de chance de guérison », complète la médecin, dernière arrivée au centre.
Un travail facilité par la structure de l'hôpital publicCes retards dans la prise en charge obligent les cinq professionnels à approfondir leurs consultations, d’autant plus que la plupart du temps ils ne connaissent pas le patient en face d’eux ni ce pour quoi il vient. C’est là que le fait d’appartenir à l’hôpital donne au centre un bel atout car il bénéficie de la mutualisation des dossiers et d’un meilleur accès aux différents services.
« 90 % des personnes que nous recevons sont passées au moins une fois à l’hôpital, soit aux urgences, à la radiologie, chez un spécialiste… Nous avons accès à leur dossier. Cela nous aide pour notre consultation et notre diagnostic »
François Brochet et Laurence Lemaire
« Si nous avons besoin d’un examen complémentaire, on téléphone au service en question et on les envoie. C’est une sécurité pour nous », confirment les deux médecins.
« C’est aussi pratique quand les gens reviennent au centre de consultation car ils ne revoient pas forcément le même médecin. Les patients s’inscrivent sur un créneau horaire, pas sur le nom d’un médecin. Mais tout est dans le dossier qui a été complété par le médecin qui l’a vu la fois précédente », renchérit Laurence Lemaire.
1.330 patients depuis l'ouvertureMédic soins a accueilli 1.330 patients différents depuis le 8 avril. « 55 % soit 730 patients n’ont pas de médecins traitants », pointe le docteur Marie-Laure Dubouchet, présidente de la Commission médicale d’établissement (CME) du centre hospitalier. La cadre de santé et les médecins estiment que ce pourcentage de personnes sans médecin traitant va augmenter car durant juillet et août, des personnes sont peut-être venues du fait des vacances de leur médecin traitant.
La fréquentation de Médic soins devrait également continuer sa progression à cause de la démographie médicale du bassin.
« Quatre médecins sont partis à la retraite l’an passé. Cela représente environ 8.000 patients qui n’ont donc plus de médecin traitant. À cela s’ajoute que 45 % des médecins vont partir à la retraite dans les cinq ans à venir sur la circonscription de Montluçon. On espère d’ailleurs en recruter. »
Les personnes qui veulent prendre rendez-vous à Médic soins doivent obligatoirement passer par le site Doctolib.
Alors que beaucoup de personnes ne peuvent pas avoir accès à un généraliste rapidement faute de médecin, les professionnels de Médic soins enragent de voir des rendez-vous non honorés. « Plus de 10 % des personnes qui ne peuvent pas venir n’annulent pas. Cela représente environ deux rendez-vous par tranche de demi-journée. C’est honteux car si les gens annulaient leur rendez-vous, d’autres patients qui en ont besoin pourraient récupérer ces créneaux horaires », s’indigne François Brochet.
Florence Farina : texteFlorian Salesse : photos