Octobre rose est le mois de la lutte contre le cancer du sein. Et la recherche constitue une de ses meilleures armes. La recherche contre le cancer du sein triple négatif vient de franchir une étape supplémentaire avec les derniers résultats de l’étude internationale Keynote 522 qui a inclus plus de 1.174 patientes entre 2017 et 2018. L’oncologue Marie-Ange Mouret-Reynier, responsable du département d’oncologie du centre Jean-Perrin, explique en quoi ce nouveau traitement est révolutionnaire.
Qu’est-ce que ce cancer triple négatif ?
C’est un type de cancer du sein qui ne présente pas de récepteurs aux hormones, c’est-à-dire qu’il ne répond pas aux traitements anti-hormonaux des cancers. Environ 70 % des cancers du sein sont en effet sensibles aux hormones. Le triple négatif n’a donc pas de récepteurs ni aux œstrogènes, ni à la progestérone et le récepteur HER2 n’est pas exprimé non plus. Pas de traitements possibles ciblés sur ces trois récepteurs. Le seul traitement possible jusque-là était la chimiothérapie.
La chimiothérapie était-elle efficace ?
Oui, mais on avait une proportion de cancers triple négatif qui y répondaient très mal. Ce sont souvent des tumeurs très agressives et très proliférantes, évoluant très rapidement. La chimiothérapie seule ne permettait pas de maîtriser la maladie de façon suffisante.
Incidence. Chaque année, 61.000 nouveaux cas de cancers du sein se développent en France dont 15 % de triple négatif, soit environ 9.000 femmes concernées.
Depuis plusieurs années, le centre Jean-Perrin fait de la recherche sur ce cancer triple négatif. Où en sont aujourd’hui ces études ?
Oui, le centre Jean-Perrin a été précurseur notamment dans les traitements néoadjuvants, dans la prise en charge en préopératoire. Dans l’étude Keynote 522, il a été le plus gros inclueur de patientes en France pour tester un traitement de chimiothérapie et d’immunothérapie avant la chirurgie. Nous avons obtenu les premiers résultats en 2019. Et les derniers résultats viennent d’être présentés dans un congrès européen.
Des molécules contre certains cancers bientôt à l’essai au CHU de Clermont-Ferrand
Quelle est l’efficacité de ce traitement ?
Concernant la réponse en préopératoire, ce traitement, le Penbrolizumab, stimule le système immunitaire de la patiente et favorise la destruction des cellules tumorales, déjà induite par la chimiothérapie. En 2019, les premiers résultats ont montré que si on associait ce traitement à la chimiothérapie, on ne retrouvait plus de tumeur dans 65 % des cas, versus 51 % avec la chimiothérapie seule. Concernant la survie sans rechute : à 5 ans, 84,5 % des patientes sont en vie sans rechute ; contre 76 % sans l’immunothérapie. Le delta d’amélioration est donc très important. En septembre 2024, nous avons eu les résultats de survie globale, toujours à 5 ans, elle est de 86,6 % avec le traitement (contre 81,7 % sans l’immunothérapie).
Cela donne beaucoup d’espoir ?
Les résultats sont très significatifs car ils signifient que nous avons une réduction du risque de décès de 34 %. Ce qui fait de ce traitement un standard. Il est désormais accessible à toutes les femmes. Il l’a été en accès précoce depuis mars 2022. Il concerne les cancers triple négatif à risques (grosses tumeurs, ou tumeur avec atteinte ganglionnaire). Environ 7.000 patientes ont ainsi été traitées dans toute la France.
Michèle Gardettemichele.Gardette@centrefrance.com