Sur le compte Instagram de son cabinet d’architecture d’intérieur, installé dans les beaux quartiers de Miami, on trouve encore quelques photos. Devant un ordinateur ou en compagnie d’amis, Aurélie B. prend la pose, toujours très élégante, dans ses tenues haute couture.C’était avant la chute et l’arrestation, le 12 août 2024, de cette femme de 39 ans, à la sortie de son jet privé sur l’aéroport de Figari, en Corse. Depuis plusieurs semaines, les enquêteurs de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) étaient sur les traces de cette ancienne comptable de Kiabi, soupçonnée d’avoir dérobé 100 millions d’euros à la marque de vêtements à petits prix.
Elle connaissait "les rouages" pour détourner de l'argentUne affaire hors norme?? "Si je vous dis le contraire, vu le montant détourné, vous allez me répondre qu’on est blasés, glisse un enquêteur de l’OCRGDF. Mais la fraude en elle-même n’est pas d’une sophistication extrême."
C’est surtout la personnalité d’Aurélie B., passée du statut de comptable à celui de jet-setteuse, qui donne à cette escroquerie des airs de série Netlfix.
Déjà condamnée en juillet 2023 pour avoir détourné 760.000 euros au préjudice d’un ancien employeur, comme l'a révélé Le Parisien, elle connaissait "parfaitement les rouages" lui permettant de détourner de l’argent, poursuit l’enquêteur qui a commencé à s’intéresser à elle après la plainte déposée par Kiabi, au début de l’été. "La plupart des grosses sociétés chargent des personnes de placer leur excédent de trésorerie, pour que cela puisse rapporter. C’est ce qui s’est passé chez Kiabi. "
"On veut savoir qui lui a filé un coup de main"Aurélie B. aurait d’abord confié cet argent à une banque internationale, avant de le déplacer. "Ensuite, tout un schéma s’est mis en place pour que, in fine, les personnes qui en sont à l’origine puissent en profiter", décrypte l’enquêteur.
Aurélie B. peut-elle avoir agi seule?? La police en doute. C’est tout l’enjeu de l’enquête, qui se poursuit bien au-delà de la France. « Notre boulot maintenant c’est de voir qui sont ses complices, autant dans le cadre du détournement que du blanchiment. Il peut y avoir pléthore d’intervenants. L’idée, c’est de savoir qui lui a donné un coup de main, qui lui a donné des instructions, à qui elle a demandé de faire passer telle ou telle somme. Le plus dur commence."
Une enquête internationaleDes coopérations policières et judiciaires ont déjà été lancées avec d’autres pays, afin d’assurer la traçabilité des fonds et de tenter d’en récupérer "au moins une partie". Une chose est sûre : Aurélie B. dépensait beaucoup et aimait le faire savoir. C’est d’ailleurs ce qui a permis aux enquêteurs de se mettre sur sa piste, notamment grâce à ses publications sur les réseaux sociaux. Ses déplacements, les personnes avec qui elle était en contact… tout était observé à la loupe.
"On a scruté son train de vie démesuré et cela nous a permis de nous orienter, de savoir où elle était et où elle allait. Souvent les gens, notamment pour ce type d’infractions, pensent que derrière un écran ils sont protégés. Ce n’est pas le cas…"
Une fenêtre de tir à Figari
Voilà comment la police a su que le jet privé d’Aurélie B. se poserait en Corse, une fenêtre de tir idéale pour lui mettre la main dessus. "Cela aurait été plus compliqué de l’interpeller si elle n’avait pas atterri en France. Mais cela se serait fait quand même, précise-t-on à l’OCRGDF. L’intérêt, c’est qu’on a pu le faire rapidement, sans avoir besoin de faire tout un tas de demandes de coopérations, de fiches Interpol…"En garde à vue, Aurélie B. ne s’est "pas trop épanchée sur les faits. Il n’y a qu’elle qui peut répondre, mais il est évident qu’elle semble aimer avoir un certain train de vie et que, sans doute, ses émoluments chez Kiabi ne lui permettaient pas de l’assurer."
Placée en détention provisoire, elle risque désormais plusieurs années de prison.
Tanguy Ollivier
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