Est-ce que vous vous êtes déjà posé la question sur ce qu’il fallait emmener (comme ustensiles et comme ingrédients) pour cuisiner pendant une semaine sur la lune ? Raphaël Haumont, si.
Est-ce que vous avez réfléchi à l’utilité d’avoir votre superbe plaque à induction de 7.000 watts pour faire cuire un œuf ? Ou sur la dépense d’énergie d’une hotte, ou encore le nombre de branches que doit avoir un fouet (6 ou 8 ?) pour l’utilisation qu’on en fait ? Raphaël Haumont, si.
Est-ce que vous avez l’impression de faire de la cuisine moléculaire quand vous préparer un gigot de 7 heures ? Raphaël Haumont, oui.
Professeur d’université à Paris Saclay, chimiste de formation, Raphaël Haumont s’est tourné vers la science culinaire il y a une quinzaine d’années.
Avec le chef Thierry Marx, il a créé le Centre français d’innovation culinaire puis une chaire « cuisine du futur » à l’université. « Au départ, tout cela, c’était pour réfléchir à la cuisine de 2050 et ses enjeux. Aujourd’hui, on pourrait se projeter vers 2070 », sourit celui qui parle pour ce qu’on mange sur terre… mais aussi dans l’espace.
De la lune à la coquille d’œufIl a ainsi travaillé, toujours avec Thierry Marx, sur les deux missions dans l’espace de Thomas Pesquet. Et aujourd’hui, ils se projettent sur ce qu’il faudra emmener lors d’une mission lunaire. Mais il garde aussi les pieds bien sur terre. Pour dialoguer, vulgariser, comme ce sera le cas ce mercredi 2 octobre dans le Puy-de-Dôme.
L’occasion de démystifier la cuisine de demain et la cuisine moléculaire. Raphaël Haumont veut aller au-delà de "la caricature". "Et il y en a eu. Pour que ça fasse bien, il fallait que ça fume, avec de l’azote. Quand on parle physique, on fait rêver, quand on parle chimie, on est coupable. Ça pue et ça explose ! Mais la chimie, ce sont les médicaments, les matériaux et ça peut aussi être l’alimentation."
Un gigot de 7 heures, un sachet de thé dans l’eau, le vin, les bulles de champagne... tout cela, c’est moléculaire !
Pour Raphaël Haumont, tradition et innovation ne doivent pas s’opposer. "C’est complémentaire."
Raphaël Haumont. Photo Marion Boisjot
Lui, ce qui l’intéresse, ce ne sont pas forcément les nouveaux ingrédients, même s’il peut parler insectes et spiruline. "Par exemple, pour la nourriture de demain, on est plus dans une démarche d’accompagner les entreprises plutôt que de dénoncer pour dénoncer. On travaille pour qu’il y ait moins d’intrants chimiques dans les aliments, pour trouver une synergie entre les aliments."
Face aux agriculteurs qui seront présents mercredi soir à la cérémonie des Trophées de l’agriculture du Puy-de-Dôme, il a des arguments à partager. "Ils ont conscience que leur métier change. Et on leur envoie des messages en leur disant : votre troupeau pollue. Mais on peut aussi parler de cheptel plus petit, de culture hors sol, de poursuivre l’élevage en ayant de la valeur ajoutée grâce à la diversification."
Il ne se pose pas en "sachant". Il veut "expliquer, transmettre, diffuser, accompagner". Et le voilà reparti avec des exemples concrets de valeurs ajoutées, en parlant épluchures et coquilles d’œuf. "On peut en faire des coproduits pour remplacer le plastique en faisant des contenants, des cagettes. Et donner ainsi une valeur ajoutée à ce que sont aujourd’hui des déchets."
Gilles Lalloz