Si l’objectif de Fabrice Pannekoucke était de se faire un nom comme président de Région, il l’a déjà dépassé. Depuis son élection à la place de Laurent Wauquiez, il y a à peine un mois, on a vu son patronyme écrit de plusieurs manières différentes : avec un « o » en trop, un « n » en moins ou un « c » baladeur. Un grand quotidien lyonnais l’a aussi rebaptisé François, le jour de son élection. L’intéressé avoue également avoir renvoyé, ce week-end, des parapheurs mal orthographiés. « Mais quelle que soit la manière dont mon nom est écrit, je me reconnais », sourit le président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
Aux habitants désormais de reconnaître le visage d’un président que personne n’avait vu arriver, car il était habitué à œuvrer dans l’ombre. Et pas seulement parce que le soleil se couche tôt dans la ville de fond de vallée, Moûtiers (Savoie), qu’il administre depuis 2014. Obligé de respecter la loi sur le non-cumul des mandats, Laurent Wauquiez l’a préféré a ceux qu’on pensait être ses enfants politiques préférés, justement. Pourquoi lui?? Avec sa barbe entretenue, sa silhouette impeccable malgré son demi-siècle et ses origines nordistes, on pourrait presque dire que Laurent Wauquiez a choisi un successeur qui lui ressemble.
Ce dernier confirme en tout cas son souci de faire émerger une génération nouvelle (et redevable). « Avec cette nomination, son horizon, qui était bouché, s’ouvre. Car la Tarentaise, c’est le royaume de la droite : Michel Barnier, Hervé Gaymard et le député Vincent Rolland, ils viennent tous de là », observe François Chemin. Le conseiller régional socialiste connaît bien Fabrice Pannekoucke : les deux hommes ont été élus maires d’une petite commune savoyarde au même âge, à 25 ans, et au même moment. Lui en Maurienne, à Fourneaux, Fabrice Pannekoucke à Saint-Jean-de-Belleville.
Il a été élu président de Région le 5 septembre dernier.
« Travailleur », est le qualificatif qui revient le plus quand on interroge ceux qui connaissent le nouveau président. Ambitieux, aussi, quelle que soit la manière de le dire : « Je savais qu’il irait plus loin que Moûtiers », glisse, admirative, une collaboratrice de longue date. « On a très vite senti que Saint-Jean-de-Belleville serait trop petit pour lui. Il n’a d’ailleurs pas hésité à se présenter face à un élu de son camp pour prendre Moûtiers », se rappelle François Chemin. Sur cet épisode, Fabrice Pannekoucke précise qu’il avait l’aval de son parti de toujours (il a adhéré au RPR à 18 ans), parce qu’il n’est pas homme à marcher sur les plates-bandes des autres.
« Je ne pense pas qu’il puisse trahir. Il restera fidèle à la feuille de route que lui a donnée Laurent Wauquiez », estime d’ailleurs François Chemin.
Il reste président de sa communauté de communes. Si Fabrice Pannekoucke a dû laisser son mandat de maire, il peut rester président de la communauté de communes et a prévu d’user de ce droit. Quant à Nicolas Daragon, nommé ministre la semaine passée, il restera vice-président en charge des finances, indique son président.
Ce lundi matin, au lycée Sainte-Thècle de Chamalières, un des quatre de la Région à expérimenter la tenue uniformisée, il a d’ailleurs repris plusieurs éléments de langage d’un prédécesseur qu’il prend soin de citer régulièrement. « Je ne vais pas réécrire l’histoire, le mandat c’est celui sur lequel nous avons été élus en 2015 et confirmés en 2021 », argumente-t-il.
Si le fond changera peu, Fabrice Pannekoucke est très attendu sur la forme.
« Avec Wauquiez, pour qui la démocratie c’est “j’ai été élu, donc j’ai raison”, on a vécu une période épouvantable. Comme moi, Pannekoucke a été habitué à des débats calmes, presque feutrés, au Département de la Savoie, même en 2011 quand il n’y avait qu’un siège d’écart. Je pense que cela, il va l’importer de la Savoie. »
L’image de fin négociateur de Michel Barnier viendrait-elle de là?? En tout cas, Fabrice Pannekoucke est lui aussi réputé pour son sens du dialogue. « Sur la partie montagnarde de la Savoie, il est discret mais incontournable depuis qu’il a réuni les villages de Tarentaise pour la création de la communauté de communes », observe Violaine Ray, journaliste à RCF Savoie. Quand il a fallu mettre les stations de Tarentaise autour de la table pour présenter un dossier de candidature pour les JO d’hiver 2030, Laurent Wauquiez s’est logiquement appuyé sur le maire de Moûtiers. Il l’a vu à l’œuvre et cela a compté dans sa décision, assure l’ancien président.
Comment réussir le "Wauxit" ?Si Michel Barnier a su faire aboutir le Brexit, Fabrice Pannekoucke réussira-t-il le « Wauxit » ? La main sur le cœur, Laurent Wauquiez jure que le patron, c'est désormais son successeur. Mais rien que sur la semaine passée, l’auto-désigné conseiller spécial est resté sur le devant de la scène, défendant dans une vidéo le spectacle « Raconte-moi la France », que la Région subventionne, participant à la remise des bourses au mérite, à Lyon, ou donnant une interview au Figaro sur les JO 2030. Au risque que pour beaucoup le nom du président de région continue à s’écrire « Wauquiez ».
Laurent Bernard