Certains pratiquent la randonnée en montagne pour l’exploit sportif. D’autres apprécient de pouvoir contempler les paysages, la faune et la flore. Eux ajoutent une dimension environnementale à leurs escapades. Ce samedi-là, ils sont une vingtaine à avoir répondu à l’invitation de l’association Mountain wilderness pour partir dès potron-minet du lac des Bouilllouses, dans les Pyrénées orientales, à proximité de l’Andorre, sur les hauteurs de Font-Romeu. Tous sont volontaires pour participer à un chantier dans le cadre de la campagne de l’association intitulée Installations obsolètes. Il s’agit pour eux de monter jusqu’aux débris d’un aéronef - le doute plane sur le fait que ce soit un avion ou un hélicoptère, ainsi que sur la date du crash - situés au pied du Pic Péric, l’un des principaux sommets de la Cerdagne, qui culmine à 2810 mètres, près des lacs bleus pour les redescendre.
Le groupe se compose d’hommes et femmes de toutes générations, principalement de Midi-Pyrénées, mais également de la Catalogne frontalière et d’autres massifs montagnards français. Antoine, bénévole local de Mountain wilderness, ouvre la marche. Joëlle, l’une des deux membres de la section Cantal de l’expédition (qui compte une quinzaine de membres), de Brezons (avec André, d'Aurillac) dont c’est le quatrième chantier de ce type, dont un il y a quelques années à domicile, aux Elancezes, pour retirer des barbelés fermiers - joue le rôle de voiture balais. « Je passe beaucoup de temps à la montagne, confie-t-elle. Je suis sensible au milieu naturel. Je fais beaucoup de randonnée. Il me tient à cœur que la montagne reste belle. »
Le jour est à peine en train de se lever lorsque le groupe s’élance. La bonne humeur est de mise. On fait connaissance en partageant son parcours avec son voisin. La contemplation est au rendez-vous au fur et à mesure que se dévoilent les rives du lac des Bouillouses d’abord. Puis lorsque le sentier amorce une première montée. Un lièvre croise ensuite notre chemin avant de détaler. Puis une biche apparaît comme sortie de nulle part avant de disparaître. Le Pic Péric, ou plutôt les Pics Péric, le petit et le grand, siamois, se dévoilent ensuite.
L’aspect sportif n’est pas en reste non plus car, même si l’ascension ne présente pas de difficulté majeure, elle dure tout de même environ trois heures, avec près de 600 mètres de dénivelé à absorber. Le soulagement est de mise lorsqu’apparaît une énorme pièce métallique, coincée entre le Péric et les lacs bleus.
Un vent à décorner un isardIl ne sera que de courte durée car il faut se mettre au travail et découper cette épave ainsi que les quelques débris qui se trouve juste au-dessus afin de les redescendre à dos d’homme. Et les conditions se révèlent compliquées car il souffle à cette altitude un vent comme on dit dans nos régions à décorner un bœuf, en l’occurrence ici un isard. Ce qui n’empêche pas le chantier de se mettre en route. Les uns se chargent de la découpe, « armés » d’une disqueuse et d’une scie sabre, alors que les autres ramassent les morceaux pour les stocker dans des sacs.
"Panne" de disqueuseCependant, un élément imprévu va compliquer la tâche du groupe. Le disque de la disqueuse ayant bien œuvré, il faut le changer. Sauf que la clef nécessaire à cette opération a été oubliée. Qu’importe, les bénévoles ne se découragent pas, redoublant d’efforts et d’ingéniosité pour finalement réussir à découper presque tous les débris. Un seul gros morceau sera descendu, porté par deux personnes jusqu’au point de rencontre avec un véhicule tout terrain chargé de convoyer l’intégralité de l’épave à la déchetterie.
Au terme d’une descente éreintante en raison du poids des déchets, le groupe se retrouve, fourbu mais satisfait du travail accompli, au refuge des Bouillouses. Un répit de courte durée car dès le lever du soleil le lendemain le groupe, agrémenté de quelques unités, est à nouveau à pied d’œuvre. Il prend cette fois la direction du Mont Carlit, plus haut sommet de Cerdagne (2921 mètres), afin d’évacuer les restes d’un ancien fil à neige, d’un pluviomètre ainsi que d’un hélicoptère Lynx de l’armée britannique qui s’y est écrasé en 1986.
En chiffres
1988. Mountain Wilderness a été créée en 1987 en Italie. La déclinaison française de l'association date de l'année suivante, 1988. Son action s'articule autour de trois axes : défendre les espaces naturels de montagne - c'est ce que l'association fait en s'opposant aux projets d'aménagement en montagne qu'elle juge aberrants, au besoin par la voie judiciaire, comme c'est actuellement le cas pour le projet de téléphérique à La Grave ou pour les Jeux olympiques de 2030 - encourager les pratiques respectueuses - notamment à travers la campagne des installations obsolètes - et amplifier la transition des territoires - en sensibilisant les différents acteurs de la montagne à l'éco-tourisme pour imaginer la montagne de demain, moins dépendante du ski. Mountain wilderness s'appuie sur huit salariés et 1.800 adhérents.2001. Lancement de la campagne des installations obsolètes. Elle concerne principalement des installations de tourisme, industrielles, agricoles, militaires ou des épaves d'aéronefs.82. Chantiers menés depuis cette date.3.000. Bénévoles impliqués.200. Journées de travail.600. Tonnes de matériaux nettoyés sur l'ensemble des massifs montagnards.5 à 6. Chantiers menés chaque été, impliquant quelque 250 bénévoles.3.000. Signalements d'installations obsolètes sur le site dédié installationsobsoletes.org. Un repérage est ensuite effectué par des bénévoles locaux qui déterminent combien de bénévoles et quel type de matériel sont nécessaires. S'il y a lieu de programmer un chantier, l'association se charge d'obtenir l'autorisation de la collectivité concernée ou du propriétaire privé avant d'en appeler à ses adhérents.
Texte et photos : Florent PétoinX : @FloPetoin