Le devoir de mémoire n’est pas un sujet pris à la légère par la municipalité thiernoise. L’importance accordée à la célébration du 80e anniversaire de la Libération de Thiers en est une preuve irréfutable. Alors naturellement, lorsque le maire, Stéphane Rodier, a été sollicité par une association œuvrant dans le sens du souvenir, la volonté de donner une suite favorable a été immédiate."En novembre 2022 nous avons été contactés par l’association Stolpersteine en France, retrace Isabelle Furegon, troisième adjointe en charge des affaires générales et de la vie quotidienne. Pour être honnête, je n’en avais jamais entendu parler. Mais en me renseignant, j’ai découvert leur action, et nous avons tout de suite dit oui."
Le mémorial décentralisé le plus vaste du mondeLes Stolpersteine sont un vaste projet artistique de mémoire. Ensemble, ils sont considérés comme le mémorial décentralisé le plus vaste du monde (voir encadré). Le principe est simple : un pavé, véritable œuvre d’art, est posé sur le lieu de décès et de naissance ou de résidence d’une victime du nazisme. Bernard Delachaux, né au Creusot, en Bourgogne, a résidé à Thiers durant plusieurs années avant d’être mobilisé puis capturé, de devenir prisonnier de guerre et finalement d’être assassiné le 23 mars 1942 en tentant de s’évader du camp de Bamberg. Aujourd’hui, un pavé en son honneur a déjà été posé en Allemagne. Et bientôt à Thiers.
Le projet.Les Stolpersteine sont le projet de l’artiste Gunter Demnig, né à Berlin. Dans les années quatre-vingt-dix, il met sur pied des projets mémoriels et artistiques concernant les Tsiganes déportés depuis Cologne. Le 12 décembre 1992, il pose illégalement le premier pavé de mémoire devant l’Hôtel de ville de Cologne : un pavé avec l’ordre de déportation de Himmler concernant les Tsiganes, gravé sur une plaquette de laiton qui le recouvre. Le 4 janvier 1995, Gunter Demnig procède à la deuxième pose illégale et en mai 1996, il effectue la pose de 51 pavés à Berlin, également en toute illégalité. La première pose légale a lieu en 1997 à Sankt-Georgen, près de Salzbourg. Depuis, plus de 100.000 pavés de mémoire sont posés en Allemagne ainsi que dans 25 autres pays européens pour honorer la mémoire des victimes du nazisme. Ils sont considérés comme le plus grand mémorial décentralisé du monde. En France, le projet se développe depuis 2012 et de nombreuses villes ont fait le choix d’y adhérer comme Bordeaux, Le Havre ou Rouen. Et bientôt Thiers.
Si la Ville a immédiatement voulu faciliter la pose de ce pavé de mémoire, elle s’est tout de même frottée à ce que l’adjointe Isabelle Furegon qualifie de "nerf de la guerre", à savoir, le financement de ce projet.
Évidemment, nous étions tout de suite partants. Mais tout devait être à la charge de la mairie, et nous n’avions pas le budget pour cela.
Finalement, après de nombreux échanges, l’association a décidé de prendre à sa charge la pose du pavé et la cérémonie organisée en parallèle. "De son côté, la mairie organisera un vin d’honneur à l’issue et met évidemment à disposition le lieu, sur l’esplanade des Droits de l’homme."
La biographie de Bernard Delachaux sera lue par les enfants élusAinsi, samedi 21 septembre, à 11 heures, une cérémonie officielle va être organisée, en présence de Christophe Woehrle, président de l’association, mais aussi du fils de Bernard Delachaux, Albert, à l’origine de ce projet, d’une partie de la famille de ces derniers, celle de l’ancien maire de Thiers Thierry Déglon, des enfants élus thiernois et de différents officiels. "Les enfants liront la biographie de Bernard Delachaux (voir ci-dessous) et différents textes seront prononcés", partage, sans tout déflorer, Isabelle Furegon. Après cela, le devoir de mémoire en cité coutelière aura franchi un nouveau cap, que les enfants élus auront à cœur d’entretenir chaque 21 septembre des années à venir.
C’est par ces mots que les enfants élus thiernois commenceront leur lecture, samedi 21 septembre, à l’occasion de la cérémonie de pose du pavé de mémoire en l’honneur de ce Thiernois victime du nazisme.
S’il n’est pas né à Thiers, Bernard Delachaux y a passé une bonne partie de sa vie, au 23, rue de Lyon, avec son épouse, Rose, née Déglon, et son fils, Albert. Rapidement après le début de la guerre, en 1939, le coiffeur de la rue de Lyon a été mobilisé puis capturé, pour finalement être fait prisonnier. C’est le 1er novembre 1940 qu’il sera envoyé dans un camp à Bamberg, en Allemagne.
Coiffeur dans le campTout au long de sa période de captivité, le Thiernois a continué de travailler comme coiffeur pour les soldats dans le camp, mais aussi dans un salon de coiffure en ville, chez un certain M. Stadler. Il a été également employé dans d’autres tâches difficiles comme le terrassement pour la mairie de Bamberg. Il n’a jamais cessé de rêver de liberté dans l’espoir de retrouver son épouse et son fils. C’est ce qui lui coûtera la vie. Le 23 mars 1942, il a été tué parce qu’il a tenté de s’évader.
Son épouse, Rose Delachaux, née Déglon, est décédée peu de temps après, des suites de maladie par défaut de soins. À leur décès, le couple vivait au 23, rue de Lyon à Thiers. La maison n’existe plus aujourd’hui, mais grâce au pavé de mémoire déposé samedi, leur souvenir ne s’éteindra jamais.
Sarah Douvizy