Depuis bientôt un an, leur cadre de travail est chamboulé, et il est en passe d’être radicalement transformé. Pour certains commerçants, cette rénovation est une aubaine, la raison même pour laquelle ils ont choisi de s’installer ici, près du parc des Sources. Pour d’autres, les travaux sont un enfer, et leur font craindre de mettre la clé sous la porte avant d’avoir pu profiter de la nouvelle version du cœur de ville.
C’est le cas d’un cafetier, qui a souhaité rester anonyme, et dénonce la mauvaise gestion des travaux par la mairie. « Sur six mois de pleine saison, nous en avons quatre d’impactés. Ça représente 100.000 € de perte de chiffre d’affaires. » En cause : le bruit du chantier, les barrières qui invisibilisent les terrasses, et le manque de communication et d’écoute de la mairie. « On a essayé de négocier quelques points du calendrier, pour être moins impacté. Ils n’ont rien voulu entendre. Il nous est arrivé d’ouvrir un matin et de nous apercevoir que l’espace de notre terrasse avait été déplacé, sans qu’on en ait été informé. En revanche, ils nous ont imposé un coût de 21.000 € de nouveau mobilier, pour avoir le droit d’utiliser la terrasse. »
Le commerçant est écœuré. « On travaille sept jours sur sept. Oui, ça va être magnifique, mais on perd beaucoup d’argent. On va essayer de sauver nos employés, mais on ne sait pas si on pourra. On fait au jour le jour. »
Des bâches qui font toute la différenceAutre terrasse, autre point de vue : Benjamin Lebois a repris Au Fidèle Berger en mars 2024, et a ouvert mi-mai. Il avait visé la fin des travaux, qui ont pris du retard. « On a accusé une perte conséquente. Le démarrage a été compliqué, et ça a désorganisé notre saison, puisqu’on a pris moins de salariés au départ… Mais que maintenant il nous en manque. » Le déficit de main-d’œuvre témoigne toutefois d’une forte fréquentation. Bonne nouvelle, donc : « depuis que les bâches qui cachaient la terrasse ont été enlevées, on a bien travaillé. Franchement, on a eu peur, mais on a négocié pour le débâchage, et on a été entendu par la mairie. On est passé de 3 clients en terrasse à 80. »
Le gérant a délibérément repris le commerce en se projetant sur le futur aménagement. « On avait vu les plans du parc, et on savait qu’il y aurait un mauvais été à passer. L’année prochaine, on a prévu de faire une saison de l’au-delà ! »
Du côté du Fer à cheval, la piétonnisation de la rue du casino inquiète le conjoint d’Éric Blondeau, artisan de compositions florales en tissu. « On a des clients d’un certain âge, qui viennent en voiture de l’extérieur de la ville. Heureusement, un parking a ouvert boulevard Carnot, mais il faut espérer que ça ne fasse pas comme à Strasbourg, où le centre a été refait mais à cause du manque de stationnement, les gens sont partis à l’extérieur de la ville. »
Le couple d’artisans, dont la boutique est sans doute la plus ancienne du Fer à cheval, est satisfait du nouveau rendu esthétique du site. En ce qui concerne les travaux, en revanche… « Nous avons supporté des entreprises incapables et pas du tout sérieuses, qui nous ont causé trois inondations dans la boutique, dont deux fois juste avant Noël. Heureusement, on a la chance d’avoir un maire jeune qui réagit quand on le sollicite. »L’accès au salon de coiffure de la rue du Parc est rendu difficile.
Dolorès Meireles gère Maison Céleste, un salon de coiffure situé rue du Parc, avec vue sur l’Opéra. Elle fait partie de ceux qui ont délibérément choisi d’affronter le chantier. « Avant, cette rue était sombre, un peu glauque. On a acheté il y a un an, en se projetant sur l’après, sur un lieu plus lumineux et plus sympa. »
« On se fera laver les cheveux avec vue ! »Si l’accessibilité du salon est rendue plus complexe par les tranchées et les barrières de chantier, qui sont déplacées d’un jour à l’autre, la clientèle de Dolorès reste fidèle. « Être coiffeur, ce n’est pas comme vendre des vêtements. Et avec l’office de tourisme, on a énormément de passage et de visibilité. On a hâte de la fin des travaux, ça va être incroyable. On se fera laver les cheveux avec vue ! »Marie Hufnagel, fondatrice de Verdandi.
Marie Hufnagel, fondatrice du concept store Verdandi, rue du président Roosevelt, a également choisi son local sur un coup de cœur il y a un an et demi. Mais sans rapport avec le parc des Sources. « Je suis très contente qu’on embellisse Vichy, mais je n’ai pas d’attentes. Je ne vois pas en quoi le parc pourra générer plus de clients, parce qu’avec la rénovation on a la sensation qu’il y a plus de passage… Mais pas d’arrêts. De nombreux facteurs jouent sur le fait qu’on ne travaille pas, les élections, le temps… Avec les travaux, ça fait beaucoup. J’ai hâte que ça se termine. »Adeline Marze témoigne d’une période compliquée.
« On ne peut pas dire que les travaux nous aident aujourd’hui » : même son de cloche chez l’Occitane, rue Wilson. Sa gérante, Adeline Marze, témoigne de la période économique difficile que traversent les commerces. « Le chantier contribue en partie à notre perte de chiffre d’affaires. Mais il n’y a pas que ça, on vit une période pas simple. » Elle est en tout cas satisfaite des nouveaux sens uniques mis en place dans le centre, et tout comme les autres : elle a hâte. « Hâte de la fin, parce que je sais que de l’autre côté des barrières, c’est magnifique. On sait que ces travaux sont un plus pour la ville. »
Texte Sandrine Gras
Photos François-Xavier Gutton