Il a eu du mal à remonter sur un vélo, Élie. Pire : pour lui, l’histoire a bégayé. Rembobinons. Nous sommes en 2017. Le natif de Millau rejoint l’AVC Aix-en-Provence, en DN1, le plus haut niveau amateur. Il reste sur une saison prometteuse avec six podiums en toutes catégories, dont une médaille de bronze au championnat Midi-Pyrénées. L’ancien de l’Occitane Cyclisme Formation et de l’US Montauban 82 souhaite se frotter au peloton élite. Sauf qu’il s’y pique en juin au Tour du Beaujolais.
Après une grave chute, on l’héliporte vers l’hôpital de Lyon. Coma. Hématome au cerveau, du sang qui coule au sein de celui-ci. Deux semaines d’hospitalisation. Il souffle : « Cela a tué ma saison ». Pas uniquement son année en fait, malgré une victoire au contre-la-montre de Saint-Chinian en septembre : « Après ça, je n’avais plus le même objectif du haut niveau. C’était plus du vélo plaisir ».
Un an plus tard, en juillet 2018, il tombe de nouveau. Au figuré, cette fois-ci. Mais cela fait encore plus mal. Après une forte baisse de sa vue, on lui diagnostique une neuropathie optique de Leber. « J’ai 0,5 sur 10 à mes deux yeux, je vois mieux sur les côtés qu’au centre », résume-t-il. L’homme est réservé, peu expansif. Il commente : « C’est dur d’accepter que ta vie change du jour au lendemain. Tu perds en autonomie, tu ne peux plus conduire. Heureusement, j’étais bien entouré ».
Quelques années plus tard, son grand frère, gérant d’un magasin de cycles à Toulouse, lui propose de monter sur un tandem. Refus poli d’Élie : « J’avais l’impression d’accepter ma maladie si je me mettais au tandem ».
Deux podiums aux MondiauxIl se lance finalement fin 2020 avec le Corrézien Thomas Arvis. Il est champion de France l’année suivante. Malgré son handicap, c’est désormais avec détermination qu’il enfourche un tandem doté d’une inertie folle (avec un plateau de 58 à 60 dents, il boucle ses contre-la-montre à plus de 50 km/h de moyenne).
En 2022, avec Cédric Stempel, il dispute ses premières Coupe du monde. Et, en 2023, avec le Corrézien Mickaël Guichard, il remporte deux médailles de bronze aux championnats du monde (en ligne et contre-la-montre). Un mois seulement après avoir fait connaissance avec l’un des meilleurs amateurs français ! Il en rigole : « Cela m’a fait bizarre lors des premiers virages avec lui. À l’entraînement, il passait fort. Mais, en course, il allait encore plus vite. Il était fou ! ».
Fou sur le vélo, posé dans la vie. « Micka est facile à vivre, c’est une force tranquille, décrit Élie. C’est une force tranquille dans les moments de stress, il calme toujours le jeu. J’ai vraiment confiance en lui comme pilote ».
La réciproque est vraie. En fait, les deux garçons semblent avoir les mêmes qualités. Sur et en dehors du vélo. « On a un peu le même profil vélocipédique, décrypte Mickaël Guichard. Il est très bon sur les efforts linéaires et il est capable de se faire très mal. Aussi, il est très discret, encore plus réservé que moi ».
« Le titre est possible »Le tandem des timides s’apprête pourtant à vivre quelque chose de grand. Il a les watts pour décrocher deux médailles olympiques au contre-la-montre puis lors de la course en ligne. « Je suis très fier de représenter la France, l’objectif est d’obtenir le plus beau des métaux », affirme Élie de Carvalho. « Je suis vraiment content de participer aux Jeux, d’autant plus qu’ils se déroulent à Paris et que cela n’arrivera pas 50 fois, ajoute Mickaël. Le titre est possible ».
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Est-ce que la victoire n’est pas déjà acquise ? C’est désormais un bonheur, malgré les intenses séances d’entraînement, qu’il s’inflige, de monter sur un vélo pour Élie de Carvalho : « Je ne sais pas si j’accepterai vraiment un jour mon handicap mais j’ai appris à vivre avec. Je suis fier de mon parcours et j’ai des projets ». Avant de devenir kiné – il étudie à Limoges dans ce dessein – il peut devenir champion paralympique cette semaine. Une opportunité en or massif.
Kevin Cao Kevin.cao@centrefrance.com
