Au pied de cet impressionnant édifice de 54 mètres de haut, la guide coche avec attention les noms sur sa liste. Une fois l’appel fait, et avec aucun absent à déplorer, elle peut commencer. Marchant sur les pas des mineurs du XXe siècle, elle remonte aux origines, à l’ouverture du site d’exploitation dans le bassin. Et ce qu’elle raconte ne laisse pas indifférent.
« En 33, mon père est descendu à la mine, il avait 13 ans »
« Avant 1813, c’était autorisé pour les enfants en dessous de dix ans de descendre au fond. Tu as quel âge toi ? », demande la guide en s’adressant à un enfant dans l’assemblée. Ce dernier répond qu’il a 9 ans. « Tu aurais pu travailler à la mine », lui dit-elle.
Les réactions ne se font pas attendre : « Quelle vie quand même ! », s’exclame-t-on d’un côté. « En 33, mon père est descendu à la mine, il avait 13 ans », entend-on d’un autre.
Après quelques anecdotes partagées, la guide reprend sa présentation et entraîne le groupe un peu plus loin, vers un bâtiment aujourd’hui privé. « Ce que vous voyez là, c’est la lampisterie, c’est par là que passaient les mineurs avant de commencer leur rotation », détaille-t-elle en faisant passer des photos d’équipements d’époque.
À partir du XIXe, les travailleurs du fond disposaient, en plus de leur pelle et pioche, d’une lampe à flamme protégée (entourée par une grille froide) qui permettait de détecter le grisou, quelques secondes avant qu’il n’explose, ainsi que d’un casque numéroté.
Ce dernier avait un double emploi. Il servait bien sûr à protéger le crâne du mineur de potentielles chutes de gravats, mais possédait aussi un intérêt informatif. Il s’avère que tous devaient rapporter leur matériel à la lampisterie à la fin de leur journée de travail. Et, si le soir venu un numéro manquait, on savait qui était resté au fond.
La sécurité dans les galeries n’était pas encore très développée à cette période : inondations, effondrements… Ce système de numéros s’est donc révélé très utile, d’autant que les sauvetages et opérations de recherche n’étaient pas souvent possibles. C’est sur ces précisions que le groupe quitte le site des Graves pour déambuler dans le bourg.
Le puits des Graves, exploitation d’Auzat-La Combelle, a fermé en 1978.
Architecture et bâtiments comme témoins de l’histoireÀ peine descendus que les rues et les habitations qui les bordent donnent plusieurs indices sur le passé de la ville. Maisons mitoyennes, petits jardins : une architecture rationnelle et reproduite à la chaîne.
Si tout est si similaire, c’est parce que le bourg d’Auzat-La Combelle est sorti de terre en même temps que les bâtiments d’exploitation. La compagnie s’est chargée de la construction de toute la partie résidentielle dans l’espoir de faire rester les employés à long terme, puisque jusque-là ils n’étaient, pour la plupart, que des paysans qui cherchaient un complément de revenu durant l’hiver. C’est en leur offrant un confort de vie encore rare à l’époque (eau courante, électricité...) qu’ils souhaitaient les fidéliser.
Éliane et Patricia, toutes deux habitantes du village à cette époque et participantes de la visite, saisissent l’occasion et ne manquent pas de pointer du doigt deux de ces maisons, dans lesquelles elles sont nées et ont grandi.
C’est un déclic pour le reste du groupe qui se fait curieux et ne tarit pas de questions à leur poser, cela tout au long de l’heure de visite restante.Un détour par le château d’eau et sa sirène, dont se souvient très bien Patricia : « Elle sonnait à 6 h 30, 11 h 30, 13 h 30 et 16 h 30. Ça rythmait la vie de tout le monde. »
Le cheminement continue ensuite jusqu’à la chapelle puis l’ancienne cantine, aujourd’hui à l’abandon. Un petit moment de nostalgie autour de photos d’archives, où plusieurs reconnaissent un frère ou un père, et il est temps de se dire au revoir.
La visite n’aura duré que deux heures, mais c’est plusieurs dizaines d’années qui auront été explorées. En ce vendredi, la mémoire de toute une génération a pu être transmise. De ceux qui l’ont vécu à ceux qui la raconteront plus tard. Un beau moment de partage.
La chambre chaude
Elle était le lieu où les ouvriers se lavaient avant de retourner chez eux, au sortir de la mine. Ce lieu faisait aussi office de vestiaire : à la fin de leur service, ils pendaient leurs habits sales sur des crochets et les hissaient au plafond, ce qui permettait de ne pas encombrer l’espace et de les faire sécher plus rapidement (d’où son autre nom : « salle des pendus »). Mais ce lieu ne servait pas qu’aux mineurs ! Une des participantes du jour, Eliane, raconte : « Quand j’étais petite, on venait s’y doucher le samedi car on n’avait pas de salle de bain ! ».
La chapelle des mineurs
Au premier coup d’œil en entrant, on saisit toute la singularité du lieu. Au plafond : les drapeaux de toutes les nationalités qui ont travaillé à la mine d’Auzat-La Combelle. Au fond de la nef, le Christ, entouré des outils des mineurs et l’autel en forme d’entrée de galerie. Sur le côté, Sainte-Barbe, la patronne des mineurs, pompiers et artificiers, morte en martyr après que son père ait été cellé dans la roche. Cette chapelle a constitué le point central des recontres et des rassemblements du temps de l’ouverture de la mine et rappelle de nombreux souvenirs aux anciens du bourg : « J’ai été baptisée et je me suis mariée ici ! », se souvient Patricia.
Marie Vincent