À quelques jours de la rentrée scolaire, la maternelle de Barrière est bien vide. Pas de blouson qui ne traîne sur les portemanteaux, pas de dessins accrochés aux murs, pas encore de prénoms ni de visages dans les couloirs. Le soleil estival inonde la cour de récréation, les jeux d’enfants et le potager, que les maîtresses continuent d’entretenir en l’absence des bambins. Le mois d’août n’est pas encore terminé, mais Corinne Gomez pense déjà à l’aménagement des différents espaces de sa salle de classe pour la nouvelle année et aux activités qui occuperont ses petits au fil des saisons.
"J’ai toujours voulu être institutrice"L’institutrice, qui travaille à l’école de Barrière depuis 28 ans, s’apprête à vivre la dernière rentrée dans ce bâtiment qu’elle connaît par cœur. "Ici, c’est le paradis. La localisation est idéale ; pour aller en ville, c’est très sécurisé, c’est rapide, on était juste à côté de la crèche, d’Animatis, à proximité des jardins…"
Mais elle le sait bien, pour les enfants comme pour l’équipe éducative, il va bien falloir abandonner ce bâtiment Pailleron, construit dans les années 1970, pour intégrer des locaux plus modernes. "Ça va être très dur de partir", confesse-t-elle. Avant d’être institutrice en moyenne section, Corinne Gomez a fréquenté l’école en tant qu’élève, au moment de son ouverture, en 1973. "Je suis un peu le dinosaure de l’école", plaisante-t-elle.
Scolarité 100 % issoirienneSes yeux bleus scrutent le préau avec nostalgie. Elle se souvient de l’époque où le bâtiment ne contenait ni garderie, ni cantine sur place.
J’étais en CE1, précise-t-elle. L’école a été créée car il y avait beaucoup d’enfants à Issoire. Ce n’était que des classes, en haut et en bas, remplies.
Une époque dont elle garde de nombreux souvenirs, et particulièrement, l’effervescence des rentrées. "Quand j’étais moi-même élève à Barrière, ce qui nous faisait plaisir, c’était d’aller acheter notre blouse pour la nouvelle année. C’était un grand moment", évoque-t-elle.
Il y avait, aussi, Monsieur et Madame Roche, ses instituteurs en classe de CM1 et CM2, décédés aujourd’hui. "Ils étaient sérieux, très à l’ancienne, mais tellement humains, justes et impliqués que je les garderai toujours dans mon cœur", sourit la maîtresse d’école.Dernière rentrée nostalgique pour Corinne Gomez aujourd'hui.Plus tard, Corinne Gomez bénéficie aussi de l’ouverture du collège du Pré Rond, alors qu’elle est en classe de cinquième. Une scolarité 100 % issoirienne, qu’elle poursuit au lycée Murat, jusqu’à l’obtention de son baccalauréat. Dès lors, l’avenir de la jeune femme semble tout tracé : "J’ai toujours voulu être institutrice", affirme-t-elle.
Tous les chemins mènent à la cité Saint AustremoineMalgré tout, à l’âge de 18 ans, elle décide de se lancer dans un DUT de commerce. Juste au cas où. Avant de se présenter au concours.
La première année, j’étais sur liste complémentaire. J’ai ensuite travaillé dans un collège à Moulins en tant que professeur de technologie, puis j’ai obtenu le concours
"Quand on sortait de l’École normale, on avait souvent des classes uniques", explique-t-elle. C’est ainsi que Corinne Gomez réalise ses premiers pas d’enseignante à Apchat, avec des élèves allant de la grande section au CM2. Elle effectue ensuite quelques années en tant que remplaçante à Ardes-sur-Couze, puis à Brassac-les-Mines, avant de retrouver sa commune d’enfance où elle complète un mi-temps à la maternelle de Murat, pendant environ deux ans. "Une fois que j’y étais, j’ai tout de suite su que c’était pour moi", confie-t-elle.
Dès qu’un poste se libère à la maternelle de Barrière, elle n’hésite pas une seconde. La créativité et la liberté de l’enseignement aux tout-petits l’enchantent. "À cet âge-là, les enfants sont encore pleins de naïveté. Ils s’émerveillent de tout !"Le chantier de l'école BIzaleix avance à grands pas.Des haricots qu’ils font pousser au jardin, au mélange des couleurs. "La classe, c’est un peu comme un théâtre", évoque-t-elle. Dans la salle de Corinne, une multitude d’outils permet aux enfants d’apprendre en s’amusant. Comme cette grande frise, accrochée au mur, qui fait le tour de la classe et représente le déroulement de l’année scolaire. "Cela permet aux enfants de se repérer dans le temps", détaille l’institutrice. Car pour faire comprendre des notions aussi complexes que le temps, il faut redoubler d’inventivité.
De générations en générationsEt l’inventivité, les enfants n’en manquent jamais pour se faire comprendre… Alors, pour s’amuser, maîtresse Corinne répertorie ces perles prononcées par ses petits protégés dans un carnet. "Une fois, un élève m’a dit : “Maîtresse, je me suis fait boutonner par les moustiques”. J’ai trouvé ça trop mignon."Les écoliers ont retrouvé le chemin de l'école.Et puis un jour, les enfants deviennent grands. Et après plus d’une trentaine d’années à enseigner à Issoire, Corinne Gomez voit les fratries et les générations se succéder dans sa classe. "Je me souviens d’un élève que j’avais eu en toute petite section, à Murat. Il s’appelait Nicolas. Il y a quelques années, j’ai eu sa fille !"
Pour sa dernière rentrée à l’école maternelle, Maîtresse Corinne s’occupera d’une classe mixte de petite et moyenne section composée de 18 élèves. Un petit effectif idéal, dans un cadre familial qui, elle le sait déjà, lui manquera beaucoup.
Elora Mazzini