La Sportech a le vent en poupe. Alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 battent leur plein, l'économie du sport affiche une forme pour le moins... olympique. Avec 75 milliards d'euros de chiffre d'affaires et plus de 450 000 emplois générés, le secteur rapporte plus que l'aéronautique ou les télécoms. Une filière portée par 128 000 entreprises qui, réunies, représentent environ 5 % de l'économie mondiale du sport. Bien au fait de ces enjeux, la communauté des Meneurs de Bpifrance a monté sur pied la toute première édition de Sport Définition, qui s'est tenue le 5 juin dernier à l'Adidas Arena (Paris 18e). Le but ? Réunir, en un lieu unique, tout l'écosystème du sport business en vue de structurer et définir l'économie du sport en France. Dans ce cadre exceptionnel et dynamique, Big média a ainsi souhaité mettre autour de la table trois acteurs de la Sportech et engager la discussion sur l'innovation dans le sport. Une rencontre animée par Yves Vilaginés, chef de service aux Echos.
Trois acteurs de la Sportech réunis à Sport DéfinitionD'un côté, Omar El Zayat, responsable de l'intégration de l'innovation au sein du Comité d'organisation des Jeux de Paris 2024. Son rôle ? Venir en appui aux directions de Paris 2024 et " les aider de façon ponctuelle - pour de l'idéation, du prototypage, des tests, etc. - ou de façon approfondie, de l'idée à la livraison d'un produit ou d'un service. " De l'autre, deux membres du collectif SportTech, avec tout d'abord Maud Baudier, fondatrice de Smatchy, et Nizar Melki, co-fondateur de SportEasy. La première a créé une application de mise en relation entre sportifs afin de trouver des partenaires près de chez soi. " C'est un peu comme Blablacar, mais pour trouver des partenaires sportifs. " Le second, a quant à lui lancé une application de gestion d'équipes sportives, adressée aussi bien aux coachs et dirigeants qu'aux parents et joueurs, qui revendique à elle seule trois millions d'utilisateurs et 150 000 équipes actives. Nizar Melki est également l'un des cofondateurs du collectif SportTech, fondé en 2019 et qui réunit aujourd'hui plus de 150 startups.
L'innovation technologique au service de la performance...Que ce soient des capteurs améliorés par intelligence artificielle et portés par les sportifs pour mesurer leurs performances physiques, des systèmes d'analyse vidéo de plus en plus précis, de la réalité virtuelle pour mettre en condition les athlètes, des équipements de pointe (chaussures, raquettes, tenues, etc.), les innovations technologiques se sont multipliées ces dernières années et ont véritablement changer la manière de pratiquer du sport. " Avant c'était quelque chose de réservé au sport de très haut niveau. Aujourd'hui, ces innovations sont redescendues au niveau amateur ", constate Nizar Melki, co-fondateur de SportEasy, qui évoque par exemple la start-up Footbar. Cette jeune pousse a développé un capteur à placer dans sa chaussette lors d'une partie de football afin de pouvoir mesurer des données telles que le nombre de courses, la puissance de frappe, etc. Une solution déjà adoptée par plus d'une centaine de clubs. Dans le même ordre d'idée, la start-up Kinvent (French Tech Montpellier) propose une solution à la fois adressée aux kinésithérapeutes et à leurs patients grâce à des capteurs connectés. Les premiers vont pouvoir suivre l'évolution de leurs patients, quand les seconds vont pouvoir suivre leur rééducation et recevoir un programme personnalisé. Nizar Melki évoque également Skillcorner : collectant de la data sur n'importe quel flux vidéo grâce à des algorithmes en intelligence artificielle, cette start-up permet aux recruteurs d'accéder à des données sur des joueurs du monde entier. " C'est vraiment du suivi de performance en grande quantité et qui serait absolument impossible sans technologie ", atteste-t-il.
.... et des sportifs du quotidienApplications (running, etc.), objets connectés, expérience de fan et de spectateur, l'innovation est aussi au coeur de notre pratique quotidienne du sport. Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont été l'occasion de vérifier, à grande échelle, le rôle de l'innovation dans l'expérience sportive du grand public. " Le slogan des Jeux de Paris 2024, c'est d'ouvrir grand les Jeux ", rappelle Omar El Zayat, chargé de l'innovation au sein du Comité olympique, qui évoque sans hésiter le Marathon pour Tous connecté : le 10 août dernier s'est en effet tenue la plus grande course publique de l'Histoire des JO. Celle-ci réunissait plus de 1 000 coureurs, dont une moitié sur 42 km empruntant le même parcours que les athlètes olympiques, et l'autre moitié sur 10 km en plein coeur de Paris. " On a voulu pousser ce concept un peu plus loin et on a créé le Marathon pour tous connecté, témoigne Omar El Zayat, pour permettre à tout un chacun, partout dans le monde, de courir pour les couleurs de son pays. " Le challenge ? Une course de trente minutes minimum, en extérieur comme en intérieur. " On a filmé l'intégralité du parcours grâce à Kinomap, qui permet justement d'adapter le matériel (tapis de course, vélo, rameur, etc.) selon le parcours, note-t-il. On ne cherche pas la performance, on cherche juste à pousser les gens à célébrer en faisant du sport. " Une belle manière de lutter contre la sédentarité et d'encourager la population à pratiquer une activité physique et sportive régulière.
L'innovation dans le sport, un vecteur de lien social ?Maud Baudier va également dans ce sens. " Je vois vraiment la technologie pour son côté communautaire. On s'est tous rendu compte post-COVID ce que c'était que de rester enfermé chez nous. On avait ce fort besoin de lien social et d'être dehors. " Avec Smatchy, l'innovation technologique démontre son utilité sociale et permet justement de recréer du lien. " Moins scroller, plus transpirer ", a coutume de dire la triathlète, plutôt convaincue que les appareils connectés ont parfois tendance à faire oublier l'aspect éminemment social du sport et qu'il s'agit donc justement d'en faire de nouveaux vecteurs de lien - et également de répondre aux besoins des sportifs hors des clubs. " La pratique adulte est moyennement voire mal adressée par les clubs, parce qu'elle est conçue majoritairement pour une pratique des moins de 18 ans ", explique Maud Baudier, là où celle des adultes " n'est pas forcément tournée vers la compétition. " Il ne faut en effet pas oublier la dimension ludique du sport, que beaucoup vont rechercher. " Je pense que la technologie permet de faire du sport autrement ", affirme de son côté Nizar Melki. Que ce soit à travers le monde de l'entreprise ou du jeu vidéo, certaines solutions permettent d'arriver au sport par une autre voie. " La technologie permet aussi de pérenniser, voire de faire grandir une pratique plus traditionnelle et associative ", ajoute le fondateur de SportEasy, dont la solution doit justement permettre aux clubs (qui comptent beaucoup sur le travail de bénévoles) de mieux s'organiser, de trouver des sponsors, de mieux se financer " et donc de fidéliser leurs licenciés, qui ont peut-être d'autres possibilités de faire du sport ", précise-t-il. " Il s'agit surtout remettre la priorité là où l'on veut, comme réapprendre à consommer autrement notre temps dans la journée ", relève quant à elle Maud Baudier. Un recentrement sur soi qui peut tout simplement passer par le fait de faire une marche près de son domicile avant d'aller au travail - mais sans pour autant mettre au ban l'innovation, soutient Nizar Melki, qui peut justement être un outil pour " remettre le sport au coeur de de nos vies. "
L'innovation technologique, un levier d'amélioration de la " fan experience "La " fan experience " est une voie d'accès à la pratique sportive non-négligeable dont les acteurs de l'économie du sport sont bien conscients, surtout au lendemain d'une compétition sportive suivie dans le monde entier comme les Jeux olympiques. " La technologie n'était pas notre point de départ, confie Omar El Zayat. On part toujours de l'observation, de l'empathie. Est-ce qu'il y a un point de douleur dans le parcours utilisateur, quelque chose qui manque qu'on peut optimiser ? " A ce moment-là, la technologie peut s'avérer utile, d'autant que la " fan experience " va aujourd'hui au-delà de la seule diffusion des grands événements sportifs et touche également le sport amateur (via des applications et plateformes, des réseaux sociaux, le streaming, etc.) Un spectateur peut par exemple suivre un match avec des lunettes de réalité augmentée et obtenir en temps réel des informations sur un joueur - une solution développée par la start-up Immersiv.io, rappelle Nizar Melki. Du côté des JO de Paris 2024, l'équipe d'Omar El Zayat a rencontré pas moins de 350 startups, pour retenir au bout du compte 17 solutions (dont 16 françaises) portant aussi bien sur l'explication des règles que l'accessibilité pour les personnes malvoyantes (une tablette tactile conçue par la jeune pousse toulousaine Touch2See), la restauration, le design actif, la gamification ou encore la modélisation des sites de compétitions grâce à la start-up britannique One-Plan. Cette émulation technologique témoigne ainsi de la diversification actuelle de la " fan experience ", à l'image de l'essor des plateformes d'engagement (notamment les fantasy leagues), souligne le PDG de SportEasy. La licorne française Sorare, qui permet d'échanger des cartes virtuelles de joueurs sous forme de NFT, en est sans doute le meilleur exemple. Comme le résume bien Nizar Melki, " C'est indéniable qu'il y a une nouvelle façon de consommer le sport. "
Retrouvez ici l'intégralité du plateau " Innovation dans le sport : quand la technologie change la donne "
Cet article a été publié initialement sur Big Média Innovation dans le sport : quand la technologie change la donne