Le sol a livré ses secrets. La terre a précieusement gardé, durant plusieurs millénaires, de tout petits détails, qu’elle a accepté de confier aux scientifiques.
Avec les outils d’aujourd’hui, ils vont pouvoir tendre un pont vers cette société préhistorique encore énigmatique qui a construit ici, dans la Limagne, un bâtiment monumental, de 70 mètres de long. Le chantier archéologique de Culhat a pris fin le 23 août, après quatre semaines de fouilles.
"Nous sommes très contents", lance en souriant Nina Parisot, l’archéologue en charge du projet, qui a guidé les étudiants et les bénévoles dans ces recherches. C’est vers elle que chacun se tourne pour valider une éventuelle trouvaille exhumée à la pointe de la truelle ou d’un coup de pinceau.
Et des trouvailles, il y en a eu. D’abord, "du silex et des fragments d’outils en silex, et ça, c’est chouette", commence l’archéologue, car cela confirme la période du bâtiment : "On est bien sur le néolithique final, qui est l’apogée de la technologie lithique du silex."
Des micro-éclats de silex ont aussi été retrouvés et ils ne sont pas moins intéressants. "Cela signifie que dans le secteur, il y a eu une aire de taille pour fabriquer l’outil", poursuit-elle.
Des bords de vasesDeuxième famille de découvertes : des bords de vases, fragments qui vont pouvoir indiquer quelle était la forme des céramiques dans leur globalité.
L’un d’eux comporte même des décors incisés. Une information particulièrement précieuse : "C’est grâce aux décors qu’on arrive à déterminer les identités culturelles", souligne la néolithicienne.
À côté de ce "mobilier" – les silex et les céramiques – les chercheurs ont aussi trouvé, notamment grâce au tamisage, beaucoup de charbons et des graines nombreuses et de variétés différentes. Tout est carbonisé, "soit parce que le bâtiment a pris feu, soit par un processus de fossilisation".
Malgré tout, leur étude permettra de déterminer leur essence, qu’il s’agisse d’arbres ou de petits végétaux. Des données qui renseignent autant sur la composition du bâtiment, que sur le paysage de l’époque.
L’environnement est une thématique actuelle très forte. Cela intéresse et permet de voir si on a des essences végétales qui n’existent plus dans le secteur, précise Nina Parisot. Le néolithique, c’est un autre monde?!
Des graines et des charbonsLes graines, conservées grâce aux conditions favorables des sols réunies en Auvergne, vont aussi permettre de donner une date plus précise à ces vestiges. Contrairement aux arbres, elles ont une durée de vie courte. Quelques-unes seront soumises à la technique du Carbone 14. Sommes-nous plus près de -3.000, -2.500?ans ? La réponse est encore enfouie dans ces petites billes préhistoriques.
L’architecture du bâtiment se préciseParallèlement à la récolte de ces éléments, les fouilles ont aussi éclairé l’architecture de l’édifice. Les trous où reposaient les poteaux qui composaient le bâtiment ont donc été, pour la plupart, creusés.
C’est dans leur comblement qu’ont été trouvés les silex, céramiques, graines, etc. Mais ils font aussi parler la structure. Dans le rectangle de 150 m2 qui a été fouillé cette année, "deux entrées en miroir ont été mises en évidence, composées d’un petit corridor très étroit. Et ça, ça interroge, poursuit Nina Parisot. Du gros bétail, par exemple, ne passerait pas."
Par ailleurs, des trous de poteaux sont ronds, d’autres ovales. Était-ce pour pouvoir redresser ces lourds troncs?? N’avaient-ils pas tous la même fonction?? Des boules de terre crue ont aussi été identifiées, donnant des indications sur la composition des murs : "La technique du torchis est donc avérée, mais peut-être pas pour l’intégralité du bâtiment", poursuit la préhistorienne.
Deux autres étés de fouilles à venirLes fouilles reprendront l’été prochain et se poursuivront au suivant, en 2026. Sur le terrain, les vestiges sont déjà recouverts. L’exploitant agricole, Christian Conchon, peut retrouver son champ pour ses cultures. "Il nous soutient et s’intéresse au projet", témoigne Nina Parisot.
À des kilomètres de là, divers scientifiques analyseront toutes ces données. Pour redonner vie à ces Auvergnats du passé.
Ils sont bénévoles sur les fouilles
Arnaud Tourette, médecin généraliste à Clermont-Ferrand.
"J’adore l’Histoire mais je ne m’étais jamais vraiment intéressé à la Préhistoire. Je me suis inscrit tout de suite : comme n’importe quel gamin, je voulais savoir comment ils font pour creuser, pour trouver tout ce qu’ils trouvent?! Je ne suis resté que deux jours car je prépare ma thèse en même temps. J’ai appris qu’il fallait être patient, ne pas aller trop vite. Que l’Histoire, ce sont des petits indices qui nous amènent à des conclusions, que rien n’est figé dans un livre."
Pascal Tardy, retraité de l’informatique, habitant de Culhat.
"J’ai déjà fait de l’archéologie à 15 ou 16 ans, du côté de Vienne. Je trouvais intéressant de rechercher ici : c’est dans le village, autant en profiter?! J’aime bien l’Histoire et là, cela m’a permis de redescendre dans le néolithique, que je ne connaissais pas. On peut s’imaginer comment ils pouvaient vivre. C’est toujours bien de retourner aux ancêtres. On les a en nous, c’est un peu une partie de nous-mêmes qu’on vient chercher."
Alice Chevrier