Beaucoup rêvaient d’y pénétrer. En se demandant ce que pouvait bien abriter cet imposant bâtiment dont le sommet s'élève à 14 mètres au-dessus de la rivière Creuse. 1.300 personnes ont eu le privilège d’entrer dans La cartonnerie Jean cet été. Vingt-cinq ans après la fermeture de l’usine, ce lieu emblématique du patrimoine industriel local accueillait une exposition de photos animalières, du 3 au 17 août dernier.
« C’est le lieu qui a fait le succès de l’événement. C’est un endroit idéal pour exposer », confie Daniel Fabris, dont les clichés animaliers ont été présentés ici cet été.
Une partie de la toiture de l’usine vient d’être rénovée.
Bientôt des visites guidées sur rendez-vousFrancis Durand, l’ancien dirigeant de la cartonnerie, est, lui aussi, depuis longtemps tombé amoureux de l’usine et de son histoire. Une passion qu’il souhaite aujourd'hui partager avec le public, notamment dans le cadre de visites guidées, qu’il proposera, sur réservation, dès 2025. « C’est un endroit que j’adore. Je m’y sens bien », livre, simplement, l’ex-chef d’entreprise désormais retraité.
Et il est vrai qu’une certaine sérénité émane de ces quelque 800 m² d’anciens ateliers répartis sur quatre niveaux. Rythmés par de fines colonnes métalliques, ces vastes espaces ouverts abritent toujours les machines autrefois employées pour produire du carton “celloderme”, une matière rigide utilisée pour concevoir des semelles de chaussure, des valises ou même des pièces pour l’industrie automobile. Et dont Francis Durand connaît sur le bout des doigts le processus de fabrication.
Le maître des lieux nous fait découvrir avec bonheur le fonctionnement du “meuleton” et ses deux grosses roues en granite servant à écraser le papier usagé destiné à la fabrication du carton et l’immense séchoir à charbon situé au dernier étage de l’usine. Alors qu’au second niveau, nous profitons d’une vue inédite sur la rivière.
La cartonnerie dispose d’une des seules enseignes maçonnées anciennes de Creuse.
Une turbine remise en service en 2023Au fil de la visite, le passé du site, qui employa jusqu’à quatorze personnes, nous est dévoilé par Francis Durand :
Un moulin existait déjà ici avant la Révolution. Il fut une minoterie avant de devenir une usine de production d’hydroélectricité. L’aïeul de mon épouse, René Jean, a racheté le site dans les années 1920 et en fait une cartonnerie.
La famille Jean qui installa en 1933 une turbine hydraulique de type “Francis”. Ce fascinant mécanisme animait alors seul l’ensemble des machines de l’usine, avant d’être assisté plus tard par un puissant moteur diesel de conception britannique, semblable à ceux qui propulsaient les bateaux au début du XXe siècle.
La turbine fut ensuite complètement suppléée par des moteurs électriques, et fut laissée à l’abandon pendant plusieurs décennies. Avant qu’en 2019, à la faveur d’une baisse du niveau de la Creuse, Francis Durand eut l’occasion de se pencher sur son cas. « J’ai pu voir la machine qui est située sous le moulin. Je me suis renseigné et j’ai constaté qu’elle était plutôt en bon état », relate-t-il.
Puis l'homme a remis en service la turbine qui produit désormais de l’électricité. « De quoi alimenter une quarantaine de foyers par an, hors chauffage », précise-t-il.
La turbine produit de l’électricité depuis l’an dernier.
De nouvelles expos à venirDepuis l’an dernier, la turbine est redevenue le cœur battant de l’usine, comme en témoigne le bruit obsédant qu’elle émet et qui accompagne les visiteurs dans leur découverte des lieux. Revendue à EDF, l’énergie qu’elle produit génère aussi des recettes bienvenues. « L’idée est que cela puisse contribuer à la rénovation du site », précise Francis Durand.
La moitié de l’immense toiture en ardoise de la cartonnerie a déjà été refaite cette année. Mais, selon Francis Durand, il reste encore « environ 150.000 euros » de travaux à effectuer dans les années à venir pour améliorer l’état général du bâtiment. Et ainsi continuer à pouvoir recevoir curieux, amateurs d’art et de patrimoine industriel.
Francis Durand dit avoir reçu plusieurs demandes d’artistes qui aimeraient présenter leurs œuvres à l’usine. Ce qui l’encourage à organiser un nouvel accrochage à l’automne. Une exposition de peintures devrait aussi avoir lieu l’été prochain. Le tout esquissant les prémices d’un véritable programme culturel à la cartonnerie Jean.
Texte : François Delotte
Photos : Bruno Barlier