Il faut dire que sur le marché de l'art mondial, la galerie française a réussi à imposer sa signature. En 2022, elle se hisse à la deuxième place (18e rang mondial), derrière la galerie Chantal Crousel (10e rang mondial), d'un classement qui répertorie les 200 galeries les plus influentes au monde, d'après une enquête réalisée par Etienne Quemin, sociologue et spécialiste d'art contemporain. Mais quel est donc le parcours de ce self-made-man qui " n'était pas outillé pour devenir galeriste " ? Avec une maitrise d'économie en poche, ce fils d'un peintre en bâtiment découvre un intérêt à ce métier d'art grâce à une expérience commerciale. " Juste avant de terminer mes études, j'ai été le petit vendeur d'une entreprise qui vendait en porte à porte, des gravures, des lithographies et des petites peintures ", raconte le dénicheur d'artistes. Et, après s'être rendu compte qu'il ne ferait pas une carrière en tant que banquier d'affaires, ce passionné s'est lancé un défi : devenir " le meilleur galeriste possible. Je me suis mis à lire beaucoup de biographies de galeristes, à visiter de nombreuses expositions, à me construire une culture afin d'acquérir du savoir, car le milieu de l'art est un milieu de sachants ". C'est aussi un univers exigeant. Il implique " d'avoir un esprit de compétition, de la volonté et de la détermination afin d'accompagner au mieux ", poursuit Kamel Mennour.
" Accompagner 40 artistes, c'est accompagner 40 égos "En 1999, un tout premier cabinet d'art voit le jour, rue Mazarine, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Là, il se spécialise dans l'exposition de photographies d'artistes contemporains. Son catalogue affiche de grands noms : Larry Clark, Nobuyoshi Araki, Peter Beard, Danny Leibowitz... Les prémisses d'une consécration. Aujourd'hui, la galerie Kammel Mennour représente 40 artistes. " Est-ce que tu ferais comme on fait aujourd'hui, des événements pour hybrider la création de tes 40 artistes entre eux ? " l'a interrogé lors de la rencontre, Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance. Pour l'intéressé, la synergie entre artistes n'est pas toujours évidente car " accompagner 40 artistes, c'est accompagner 40 égos et parfois surdimensionnés. C'est comme si on mettait 40 lions dans une même cage ", ironise le galeriste qui a le sens des affaires. " Un peu comme les entrepreneurs " ? lui demande encore le directeur général de Bpifrance. La question a permis à l'intéressé de bifurquer sur des sujets et des problématiques actuelles, essentielles pour comprendre l'écosystème de l'art contemporain ainsi que son marché. A savoir : les rôles " d'interface ", de confident et de " courroie de transmission " que jouent le galeriste auprès des artistes mais aussi l'utilité du dialogue entre différents champs artistiques. En novembre 2023 par exemple, la galerie Mennour a organisé une conversation ouverte au public entre l'architecte Jean Nouvel et le peintre et sculpteur, Daniel Buren, deux géants des industries culturelles et créatives. D'après le galeriste, la rencontre aura permis " une formidable évocation de ce que pouvait être l'architecture et l'art contemporain " de nos jours.
S'internationaliser : une stratégie efficace pour devenir un galeriste influent ?Les enjeux autour de la démocratisation de l'art et de l'internationalisation de l'activité de galeriste ont également été évoqués. Sur ce dernier point, le galeriste explique avoir été confronté dès ses débuts, à " la compétition dans le milieu de l'art " mais il a toujours cherché à se distinguer de ses concurrents. " La question suivante s'est présentée : est-ce qu'il faut que j'ouvre à New-York à Hong Kong ou à Londres ? ". Pour celui qui participe aux plus grandes foires d'art contemporain (celles de Bâle, Miami, Hong-Kong-New-York), le choix a vite été fait. " J'ai voulu considérer que j'étais un galeriste français. Il fallait que je sois le plus pertinent, le plus fort, le plus compétiteur " tout en mettant un point d'honneur à continuer de déposer tous les matins son enfant à l'école et à envoyer des mails depuis sa galerie parisienne. Cet ancrage viscéral à la ville qui l'a vu naitre professionnellement parlant, allié à une dimension internationale est un " parti pris assez particulier " que seule une poignée de grands galeristes ont adopté, souligne-t-il. Dans un marché de l'art en plein développement, comment se pérenniser et se renouveler ? Pour Kamel Mennour, le retrait de son prénom à la galerie il y a deux ans marque sa volonté d'écrire quelque chose de particulier dans le milieu de l'art contemporain. Son objectif à long terme ? Faire de la galerie Mennour " le porte-étendard d'un ensemble de compétences, de personnalités et d'expertise ". Une vaste entreprise.
Cet article a été publié initialement sur Big Média Kamel Mennour : " Le métier de galeriste exige un esprit de compétition, de la volonté et de la détermination "