« C’était il y a un an. Un vendredi midi. On était tous les trois avec Ludovic (Combe, photographe) et Nicolas (Dumont, directeur artistique). Moi, j’avais déjà commencé à griffonner des choses… » Sur son cahier des frustrations – un cadeau de sa fille Nola, où il a pris l’habitude de noter « tous [ses] projets à la con » – Marc Chaumeix avait déjà « commencé à coucher quelques trucs » qu’il aimerait pour fêter les 25 ans de l’agence de com qu’il dirige, lui, depuis 2018.
"J’avais même noté un titre, La Superbe, aussi parce que j’adore Biolay. Et là, Ludovic et Nicolas me disent : “Non, faut que t’appelles ça : patelin”. J’ai dit : “Feu !”. On s’est mis en quête de tous les sujets et de toutes les personnes qui pourraient laisser aller leur créativité pour les valoriser."
Patelin. Forcément, ça parle aux gens de ces territoires qu’on dit ruraux. Pas forcément flatteur au premier abord. Mais là, justement, c’est tout le contraire. Déjà l’objet est peu commun : un mook, entre magazine et livre. Soigné. Et plein. Plein de tout ce champ des possibles qu’offrent nos patelins. 300 belles pages qui nous plongent dans ce Massif central que l’équipe de l’agence de com a l’habitude de mettre en lumière depuis 25 ans. Sauf que là, point de commande : juste une envie. De se faire plaisir, oui, pour fêter l’anniversaire mais surtout de dévoiler ce qu’il y a au plus profond de cet « incroyable terroir » (le sous-titre du mook).
"On a voulu créer une vision transversale autour de tout ce qu’on a rencontré dans nos territoires. Ce mook, il mélange de la création, du fond et du défi. Patelin, c’est même devenu un défi pour tout le monde."
Une quarantaine de contributeurs, et pas moins de huit personnes à l’imprimerie, par exemple, pour travailler dessus : « On ne voulait pas de reliure mais du relief sur le titre, on a beaucoup travaillé sur le papier aussi. On s’est permis des choses. Aucun sujet ne se ressemble : là par exemple, sur les fromages, on a voulu de l’encre fluo. Et pour les couteaux, on a choisi le mode forge. On s’est lâché mais tout est en lien avec le terroir ».
Comment la Creuse est devenue une destination tendance
Mais si le mook est un bel objet, où les pages se tournent avec envie devant tant de créativité, il n’est pas que ça, non.
"L’idée de départ, c’était de parler aux nouvelles générations. De leur dire : regardez, il y a un véritable avenir dans ces territoires où on peut tout inventer. Et inventer, c’est réussir."
Parce que c’est dans nos patelins justement que se trouvent « les âmes les plus volontaires, tournées vers demain ».Et ce n’est pas une phrase sortie du chapeau fumant d’un pro de la com. Marc Chaumeix est un enfant d’un patelin creusois, Mérinchal. Mais quand la campagne n’était pas encore à la mode, quand ce n’était pas tendance d’aimer et de défendre ces bleds perdus du centre de la France, quand la fameuse diagonale du vide faisait sourire ceux qui la désignaient et rougir ceux qui vivaient dessus, lui n’a jamais connu ça.
"Moi, ma mère a toujours vu la Creuse comme un Eldorado. J’ai toujours entendu ça à la maison."
Alors forcément, dans le mook, la Creuse se taille une belle part. Aurait-il pu en être autrement ? « Je reviens souvent ici, mes parents sont toujours à Mérinchal et je n’ai jamais coupé ce lien avec la Creuse. On peut tout faire ici. Alors, si on pouvait en convaincre quelques-uns… » Sans doute le mook y contribuera-t-il. Tiré pour l’instant à 1.500 exemplaires (*), il est en tout cas un bel hommage rendu à nos patelins.
« Elle a ce quelque chose de parfait et de perfectible à la fois. Ses paysages sont une explosion de vie. Ses habitants aussi. Au nord-ouest du Massif Central, la Creuse apparaît comme une terre d’inspiration et de création. Un territoire rural singulier dans l’action. À la découverte de ce petit pays souvent boudé et pourtant bien en avance sur son temps », écrivent ainsi les photo-reporters Chloé Joudrier et Florent Schneider.Avant de nous entraîner dans leur périple, à la découverte donc de cette Creuse « terre de résistance, terre créative, terre inspirante, terre de transmission, terre d’accueil… » et tant d’autres terres que l’on prend un plaisir fier à (re)parcourir. « En toute discrétion, le petit pays des patelins a réussi à prendre de l’avance sur son temps. Hier rejetée, il y a fort à parier que la Creuse sera très vite enviée », concluent-ils. On n’aurait pas dit mieux.
Accueillant ou rustre ? Ouvert ou méfiant ? Qu'est-ce qui caractérise le Creusois ?
Séverine Perrier(*) 300 pages, 20 €. En Creuse, il est en vente à la Cité de la tapisserie et à la librairie La Licorne à Aubusson. Également vendu en ligne sur le site patelin-mook.fr