Qui étaient les Cibille ? Et déjà, combien étaient-ils, ces peintres qui, sous le règne de Louis XIV, ont enrichi le Bas Limousin, particulièrement ses églises, de dizaines d’œuvres ?
« Ils sont méconnus », pose d’entrée Melvin Mouton, le directeur du musée du Pays d’Ussel qui leur consacre l’exposition « Les Cibille et leur temps ». « Sept Cibille sont identifiés, quatre sont renommés. Ce ne sont ni Nicolas Poussin, ni Rubens. Mais c’est la famille d’artistes la plus importante de la région au XVIIe siècle. Toutes les commandes officielles passaient par eux. »
Chez les Cibille donc, ils étaient sept peintres dûment recensés, mais quatre sont renommés. Demandez Henry d’abord, le patriarche, fondateur de la lignée, qui, formé avec le peintre du roi Henri IV Robert Jullien, quitta son Orléanais natal pour s’exiler en Bas Limousin vers 1610.
Faire souche à DarnetsPar amour, pour fuir les persécutions faites aux protestants, pour trouver un mécène ? C’est à Darnets qu’il fonde sa famille et son atelier. De lui, on n’a guère conservé que les fresques de l’église de Darnets.
Sept Cibille sont identifiés, quatre sont renommés. Ce ne sont ni Nicolas Poussin, ni Rubens, mais c’est la famille d’artistes la plus importante de la région au XVIIe siècle. Toutes les commandes officielles passaient par eux.
Demandez le fils maintenant, Antoine I Cibille, « le plus important. Il reprend le travail de son père. C’est lui qui a laissé le plus de preuves artistiques de son activité. » Notamment, « la plus grosse commande des Soudeilles », le tabernacle de l’église de Darnets, trois peintures sur bois qui seules témoignent du monumental retable sculpté avec les Duhamel. C’est à lui qu’on doit également les fresques de la chapelle du château du Lieuteret.Le Calvaire d'Antoine I et II Cibille représente Louis XIV déposant les regala au pied du Christ.
« Il était très fort dans les contrastes et les coloris, apprécie Melvin Mouton. Il maîtrisait les effets de lumière et de couleurs. » C’est la marque de fabrique des Cibille. La preuve avec Antoine II, le neveu d’Antoine I. « Ils signent ensemble leurs œuvres, mais Antoine II finit par dépasser son parrain. »
Couleurs, clair-obscur et drapésOn lui doit un Calvaire monumental ornant le retable de la chapelle des Pénitents de Beaulieu-sur-Dordogne, avec Louis XIV déposant les regalia (les insignes du pouvoir royal, NDLR). Et La Pentecôte, commandée par les Pénitents blancs d’Ussel en 1664 et visible aujourd’hui à la chapelle des Pénitents ; « le chef-d’œuvre des Cibille », remarquable pour ses « reflets de lumière sur les visages des apôtres et ses tombés de drapés ».
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« Ce qui est intéressant, c’est leur méthode, précise Melvin Mouton. Ils regardent l’art de leur temps, ils le comprennent et le réinterprètent à partir des gravures des grands noms d’alors qui circulent partout. » En l’occurrence des gravures d’après les Flamands Van Dyck et Rubens. « Ils reprennent la composition générale, un personnage, mais les visages, les drapés sont des Cibille. Ce n’est pas une reprise servile. »
C’est Antoine II seul qui livrera la Pentecôte et qui poursuivra l’œuvre des Cibille. Notamment l’Annonciation de l’église de Chabrignac, aux effets de clair-obscur remarquables, le retable d’Orgnac-sur-Vézère ou celui de Voutezac, qui a brûlé en 2021.
Ce qui est intéressant, c’est leur méthode. Ils regardent l’art de leur temps, ils le comprennent et le réinterprètent à partir des gravures des grands noms d’alors qui circulent partout.
Michel III à UzercheDemandez enfin le fils, Michel III, « le digne successeur de son père Antoine II ». Un fils qui rompt pourtant avec sa famille et s’installe à Uzerche. Là, il épouse la fille du procureur et fait des Clédat ses principaux mécènes.
Il réalise le retable de l’église Sainte-Eulalie, la Lapidation de saint Étienne de celui de Lagraulière (d’après une toile d’Annibal Carrache, conservée par Louis XIV en personne). Dans le château Bécharie, il réalise aussi les fresques murales du studiolo (le bureau d’études, NDLR) - « une grosse commande » - d’après notamment les douze Sybille de Claude Vignon, ainsi que les portraits de la famille Clédat.
Michel III Cibille a réalisé une douzaine de Sybille pour orner le studiolo du château Bécharie à Uzerche.En 1693 encore, il peint une vingtaine de portraits de saints pour la chapelle du Puy Saint-Clair commandée par les Pénitents gris de Tulle. Saint Jérôme et le gabarier en prière sortent d’ailleurs pour l’occasion de l’ombre des réserves du musée tulliste. Une mise en lumière qui profite à tous les Cibille.
L’exposition « Les Cibille et leur temps » est visible jusqu’au 2 novembre à la galerie d’exposition du musée, 18 rue Michelet, du mardi au samedi de 14 heures à 18 heures. Entrée libre.Visites guidées gratuites les 30 août, 14 septembre, 12 et 16 octobre, à 15 heures. Inscriptions au 05.55.72.54.69 ou accueil.musee@ussel19.fr.Deux visites exceptionnelles de la chapelle du Lieuteret seront organisées les samedis 31 août et 12 octobre, à 15 heures. Rendez-vous sur place, 6 € par personne.
Blandine Hutin-Mercier