Le temps presse et Gabriel Attal le sait. Définir un budget pour l’année à venir est une tâche lourde, rendue plus ardue encore par le contexte politique. Il aura fallu attendre ce mardi soir pour que le Premier ministre démissionnaire fasse tout de même parvenir les habituelles « lettres plafonds » à ses ministres.
À la veille des consultations d’Emmanuel Macron pour la désignation du nouveau locataire de Matignon, Gabriel Attal propose d’aligner les dépenses de 2025 sur celles de 2024. Un pactole reconduit à l’identique, soit 492 milliards d’euros, qui permettraient à l’État d’économiser 10 milliards d’euros sur l’année à venir, compte tenu de l’inflation. Loin d’être acté, ce budget reste toutefois soumis à l’approbation du futur chef du gouvernement. Une telle injonction financière d’un Premier ministre démissionnaire est inédite sous la Ve République, mais la pratique des lettres plafonds, quant à elle, « n’a rien de nouveau », rappelle le politologue Jean Petaux.
Budget « réversible »Chaque année, « en juillet ou en août », le chef du gouvernement adresse à ses ministres ces dossiers, également appelés « lettres de cadrage ». Ils sont une première étape cruciale, « une sorte de rétroplanning », dans la « longue construction du projet de loi de finances (PLF) », explique Jean Petaux.
L’objectif est simple : cadrer les dépenses des services de l’État pour l’année à venir, en plafonnant les crédits que chacun des ministères sera autorisé à dépenser, ainsi que le nombre d’effectifs à sa disposition. Mais Matignon est clair, ce budget proposé est « réversible ». Il reviendra donc « au prochain gouvernement de faire ses propres choix sur la base de ce qui a été préparé et transmis ».
Le temps presseSi ces lettres servent traditionnellement à l’élaboration par le gouvernement d’un PLF, « envoyé ensuite en Commission des lois puis aux deux chambres du Parlement, qui procèdent à son vote », détaille Jean Petaux, les choses risquent d’être plus complexes en cette fin d’année. Pour élaborer un projet de loi, il faut un gouvernement. Or, sa nomination traîne et le futur occupant de Matignon va disposer d’un temps restreint pour « dire oui ou non à la proposition de Gabriel Attal », résume le politologue. En cas de refus, son successeur sera contraint de « se dépêcher à sortir un nouveau projet de budget ». La loi exige en effet que ce dernier arrive à l’Assemblée nationale avant le premier mardi d’octobre, soit le 1er octobre cette année. Même si en réalité, le gouvernement doit rendre sa copie quinze jours plus tôt pour que son projet soit examiné par le Conseil d’État et par le Haut conseil des finances publiques. En somme, un délai très court.
Mais dans cette nouvelle Assemblée sans majorité nette, l’enjeu principal sera surtout de réussir à faire voter le futur projet de loi. En cas désaccord persistant au sein du Parlement, une possibilité s’offrira au successeur de Gabriel Attal : recourir à l’article 49.3 avant le 31 décembre. « C’est déjà arrivé en 2022 et en 2023, retrace le politologue, mais il y a alors le risque qu’une motion de censure soit votée ». Et sans majorité absolue, ni garanties d’alliances, se frotter au 49.3 serait extrêmement périlleux pour le futur Premier ministre, quel qu’il soit.
Répondre aux injonctions de BruxellesAutre enjeu du projet de loi de finances : « répondre aux injonctions de Bruxelles », ajoute le politologue. Épinglée par la Commission européenne pour son déficit public excessif, dépassant les 5 % du PIB, la France va devoir ralentir ses dépenses pour satisfaire aux exigences européennes d’un déficit inférieur à 3 % du PIB. Gabriel Attal l’a bien compris en visant 10 milliards d’euros d’économies dans son plan. Bien qu’« en réalité, il faudrait 10 milliards d’économies de plus », conclut Jean Petaux.
Victor Delair